vendredi 11 novembre 2011

Elle est relou la petite chef de gare

En 1996,  notre petit groupe avait souhaité sillonner la Chine en train.
Or ce pays regorge de petits chefs de gare -nuisibles- des deux sexes.
Les ennuis commencent dès que vous vient l'idée saugrenue d'obtenir un billet de train.
C'est la cohue, ces gens ne savent pas faire la queue,  nous jouons des coudes et parvenons au guichet. De l'autre côté de la grille, une jeune chinoise  en uniforme tarde à lever les yeux pour s'enquérir de votre cas. Armé de votre plus beau sourire, vous lui expliquez votre désir de voyager  vers l' Ouest  de son grand et  beau pays.
Comme vous savez que le voyage sera long, et que l' occidental pourri que vous êtes tient  à un certain confort petit-bourgeois,* vous ajoutez  que vous souhaitez voyager en classe "couché mou", la plus chère.
"Mei you"**, murmure alors la préposée aussi mignonne que bornée, sans même vous gratifier d' un regard : traduction libre : "y'en a pas pour ta pomme, étranger !"
Commence alors une longue négociation : et un pour autre jour ? et en "assis mou " ? (je murmure à l'interprète qu'il manque peut être quelques billets verts  dans les passeports que nous lui tendons).mei you !
Après un moment de palabres, nous obtenons "les dernières places" pour le surlendemain.
Notre calvaire n'est pas fini,car mademoiselle "Huo Che"*** commence à chipoter : elle a décelé une micro différence dans la contre signature sur mes traveller's chèques, et puis, nos  passeports, ils sont  valables jusqu'au 30 juin et nous sommes déjà en août ...
Ne pas s'énerver ...avec un grand sourire, je lui offre une page entière d'autographes, pendant que l'interprète lui explique que 30 juin c'est la date de délivrance du passeport  mais  pas celle d'expiration du visa.
Derrière nous, dans la file d'attente, on frise l'émeute, mais miss Huo Che n'en a cure, bien décidée à nous pourrir la vie.
On serre discrètement les poings, on sourit et on reste calme...
Enfin munis des précieux billets,(payés plus cher puisque nous sommes étrangers...)  nous montons le surlendemain dans un wagon à moitié plein...(les dernières places, disait-elle : GRRR!!!)
La chef de wagon, une  grosse femme revêche, boudinée dans son uniforme militaire nous indique notre voiture et nos compartiments.
Le wagon restaurant est officiellement non fumeur... pour les étrangers : une bande de militaires chinois fume ostensiblement  alors que tous les étrangers sont obligés de descendre sur le quai pour griller leur clope. Par gestes, j'exprime "deux poids deux mesures", Madame Wei Xiao**** hausse les épaules avec mépris.
A l'examen pour travailler dans les chemins de fer chinois, la matière "mauvaise foi" bénéficie d'un fort coefficient.
A la sortie de ce train une troisième "chef " imbue du pouvoir de l'uniforme, exige haut et fort de récupérer nos billets de train, ceux qui ne sont plus qu'un vague confetti enfoui dans le fond de nos sacs à dos...Elle voit pourtant  bien que nous sortons de ce train, que nous avons été contrôlés, qu'il n'y a pas d'autre accès...
 Le contenu de  nos sacs s'étale par terre  pour la  recherche fiévreuse des fameux tickets que nul n'a pensé à garder précieusement ; notre interprète, à deux doigts de perdre son sang froid, murmure alors dans son chinois impeccable " la Chine nous accueille ! merci ".
"Passez", s'adoucit alors la contrôleuse en ajoutant :" bienvenue en Chine !"

quelques précisions : il s'agit de faits réels mais anciens : à cette époque, obtenir des billets de train directement au guichet, sans passer par une agence, était un vrai parcours du combattant.
il y a 4 classes dans les trains chinois couché mou/assis mou/couché dur/assis dur.
*  = bénéficier de toilettes pas trop monstrueuses.
**  mei you = il n'y en a pas "je crois que ça va pas être possible"
***车 =huoche : train = mot à mot voiture de feu
**** 笑 = Wei Xiào =sourire

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