lundi 30 juillet 2012

Le Plein et le Vide



Tous les ans, à la même époque,  je pars camper pendant quatre jours et trois nuits. Comme je le répète régulièrement,  depuis que je me suis rangé dans la catégorie quinquas, dormir sous une tente, n'est vraiment pas ma tasse de thé ; j'aime mon lit et je suis attaché à un minimum de confort petit bourgeois.
Ceux qui assistent à mon départ pour ces rencontres de tai chi chuan sont en général stupéfaits de tout ce que je case dans ma voiture pour ces quelques jours : outre la tente huit places pour moi tout seul, mon nouveau super matelas gonflable 47 cm d'épaisseur qui permet de s'assoir comme sur un vrai lit, les livres, le matériel pour le petit déjeuner, les armes(épée, sabres, bâtons), j'emporte plus de vêtements qu'il n'est nécessaire (parce qu'on se salit énormément), des livres des CD , deux cerfs volants, des jeux de société ... Bref la pauvre voiture croule et lorsqu'elle est pleine comme un oeuf,  je me décide à partir sous les regards effarés de Gabrielle et des autres escalators.
Si j'ai du mal à quitter la maison, une fois passé la limite de la ville, sur le  lecteur CD de la voiture une chanson de Louise attaque marque le début des vacances et je martelle le rythme au volant, il fait beau ...YESSSSSSS!!!



Peu avant l'arrivée au camping, je constate que j'ai embarqué un alien,  passager clandestin hostile, tapi dans le dossier de mon siège : un genre de saloperie de  bourdon  dont les piqûres l'une dans le dos l'autre à la main se révèlent extrêmement douloureuses. Je crains un moment la réaction allergique et après mise à mort de l'intrus, je dois m'arrêter un moment pour reprendre mon souffle.
L'épreuve du montage de la tente en plein soleil dure deux heures, l'un des arceaux  fragilisé a décidé de s'effriter ce qui ne facilite pas le montage.
Le réveil matinal m'est difficile, j'ai mal partout, dérouillage difficile, pendant que je m'habille, quelques amis invités préparent le thé du matin,  nous  mangeons rapidement debout (penser à prendre plusieurs chaises... ).
( vous demanderez : pourquoi accepter de camper quand on déteste à ce point le camping ? j'ai tenté une année le gîte confortable et je me suis fait ch...loin des copains)
Entre les deux ateliers de tai chi de la matinée, il y a une pause trop courte pendant laquelle on choisit entre se reprendre un thé et manger un peu avec les copains, ou faire la queue aux sanitaires pas très clean.
Ici, la gestion du temps est un gros problème surtout quand on traîne la patte lamentablement comme moi. D'un autre côté, le temps est aussi aboli car à chaque pas, on retrouve les vieux copains (qu'on ne voit que pour ces rencontres) et on reprend les discussions interrompues l'année précédente.
Ici notre vraie vie est mise entre parenthèses, la pratique du tai chi nous réunit et le style ou le lieu de pratique servent  à  définir les gens sans les séparer.(Yang -Chen -Wudang...).
Dans la matinée du premier jour,  retentit une sirène  : alerte tempête et orage ; ordre nous est donné d'aller sécuriser nos tentes et, en cas d'inondation, de nous retrouver à l'accueil du camping. Un bout de ma pause de midi est donc consacrée à la mise à l'abri des affaires dans la voiture.Le matelas, la table et l'unique chaise, le parasol inutile, et le casier à alcools restent dans la tente (le casier à alcools dans l'espoir  farfelu de lester la tente en cas de tornade).
Le soir, nous nous sommes retrouvés à écouter Janou à la guitare et à nous réconforter en buvant de l'eau de vie.(et avec modération  pour être en forme le lendemain matin).  
 Le samedi, l'alerte est passée et nous pratiquons sous le soleil revenu. L'après midi est consacré aux démonstrations et au tui shou(prononcer toué chou) = poussée des mains. L'idée est simple :  il s'agit de pousser l'autre ou de le déséquilibrer  sans brutalité, il est difficile d'expliquer que c'est la lenteur et ce genre de "lâcher prise" qui sont les clefs de l'efficacité de la chose. Un des principes est de mettre son ego en veilleuse et d'accepter (voire même se réjouir) d'avoir perdu. Il m'a fallu des années pour accepter et comprendre  ce type de confrontation avec l'autre...
Si le sujet vous intéresse j'en ai déjà parlé   Cette année, l'un des enseignants a mis au point la version "assis" applicable en maison de retraite.
Le samedi soir, nous faisons un détour à la fête au village(baraques foraines et couscous ou saucisses frites) puis  nous retournons à la cantine pour notre fiesta à nous. Au programme danse et musique variée avec quelques élèves ou enseignants qui ont apporté leurs instruments de musique. ( mon basson reste sagement à l'Escale).
J'ai beaucoup dansé ... le réveil du lendemain s'est fait dans la douleur due aux courbatures et au froid (en rentrant tôt le matin,  j'avais oublié de fermer correctement ma tente).
L'orage menace, la tente est vite repliée et tout est enfourné en vrac dans la voiture suivant la désormais  célèbre technique "de la table ". 
Voici une des lois dites de "la table"(applicable au rangement d'une tente ou d'une voiture :
Tout objet inutile qui se trouve recouvert par divers objets à peine plus utiles deviendra rapidement  indispensable. Ça marche à tous les coups ...on ressort tout en disant des grossièretés, on trouve, on range à nouveau, et au moment de fermer la voiture on s'aperçoit que la clé de contact est restée posée sous les bagages.     
Derniers moments, derniers échanges via la poussée des mains, essayer de créer le vide dans lequel on entraîne l'autre, alternance yin yang, sentir la poussée de l'autre et la renvoyer...plein d'informations, d'idées, d'échanges de rires et de délires.
Après la "cérémonie de fermeture" nous avons du mal à nous séparer quelques irréductibles "poussent encore". bises, échanges de mails, promesse de revenir l'an prochain, d'échanger les photos et vidéos.
 Il faut se faire violence pour démarrer la voiture puis  traverser lentement le camping,(un dernier signe de main à ceux qui restent pour les stages).
Mélancolique, heureux, épuisé je rentre chez moi ...Vide ...



     
  
Z
 
 

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