samedi 27 juin 2015

un si long silence


Enfin un billet  baguette free  ou presque :-)

Il ne faut pas grand chose pour faire resurgir un passé longtemps enfoui.
C'est chaque année à l'occasion de Pessah ou de Yom Kippour...
Ce fut l'an dernier aux obsèques de Ma quand le regard  de Sarah votre maman s'est fixé sur moi au moment des condoléances, et quand j'ai revu ou écouté au téléphone tous les amis après ce silence de quarante ans.
Et cette année c'est à l'occasion d'un anniversaire, le tien Dorice.
Il était question de t'envoyer une vidéo pour te faire une surprise. Je vous savais réunis là bas quelque part vers Jérusalem. Je me suis joint à la fête virtuellement.
J'ai d'abord pensé envoyer une vidéo de moi jouant au basson "bon anniversaire" suivi de l'Hatikva mais c'était difficile techniquement : cette vidéo aurait pourtant résumé une partie de  mon cheminement fausses notes ou erreurs incluses.
Les rares  informations que j'ai sur ton devenir (et celui de ta famille qui était comme la mienne ) me montrent que nos routes se sont séparées et que les différences politiques ou religieuses se sont sans doute creusées.
 J'ai donc opté pour un genre de "je me souviens " pour vous résumer en 2 ou 3 photos ces 40 ans de silence vus de Bled la Forêt.


Dans mon souvenir nous avons 17 ans ou 20 ans  soit l'âge auquel nous nous sommes séparés.
Je me souviens de notre premier camp à Ixebourg. Notre "chef ", à peine plus âgé que nous, est un fan de Jean Christian Michel : des journées entières à écouter ses interprétations de Bach ; au début nous protestons un peu,  mais ce sont les seuls disques, c'est lui  le chef et à la fin du camp, je suis contaminé à jamais par Bach (et un peu aussi par Jean Christian Michel).
Aujoud'hui encore, la moindre partition de Bach me ramène à ces moments heureux dans cette vieille maison à l'écart de ce bled que nous connaissons parfaitement de nuit. Je me souviens que nous  traversons ce village  en chantant à tue tête.
Nous construisons des tables à feu, des fours en terre, nous nous défoulons lors de courses en sacs ou lors de sioules.
Dans cette même maison, je lis  la prière du matin pour les plus jeunes. A cette époque, j'ignore que la foi s'en ira doucement et définitivement quelques années plus tard.
Aujourd'hui Ixebourg, village sans caractère, mais dont le seul nom nous faisait rêver, est devenu une moche sortie d'autoroute entouré d'une vilaine zône industrielle. Je suppose que "notre" vieille maison en pierre a disparu.
Je me souviens d'autres camps au bord de la mer :
sur la plage, notre feu de camp refuse obstinément de prendre.  Baden Powell n'avait pas préconisé l'usage de la s*lexine .. Nous si ! bien sûr,  avec prudence et ça a bien marché et  ok ce n'est pas scoutiquement correct.
Histoire de nous épater mutuellement nous nous exerçons à jongler avec les braises.(si on tient plus de 2 secondes c'est bon pour l'ego :-))
Tôt le matin nous assistons à la criée à Concarneau.
Plus tard, l 'un de nous, qui deviendra artiste, redessine les vitraux de la cathédrale de Quimper.
En cuisine, nous plongeons désespérément dans une énorme gamelle de purée pour repêcher la plaquette de beurre tombée au fond ...sans succès puisque le gros morceau de beurre se retrouvera à notre grande honte, dans l'assiette du rabbin venu nous rendre visite.
Aujourd'hui, la ville close est devenue un lieu très touristique où les magasins de souvenirs jouxtent les restaurants.
Je me souviens de nos discussions avec  Hatoul, ou Haïm,  et de Nounours qui chantait faux mais arrivait à nous faire chanter juste.
Je me souviens  de votre père défendant aux yeux du mien le nouveau rabbin qui chantait faux en disant "oui mais il a la foi" et de mon père répondant "heureusement qu'il a la foi , c'est mieux pour un rabbin !..."
Je me souviens que notre groupe était très soudé, mais que lors du mariage de deux d'entre nous, nous nous sommes dit "au revoir" en sachant que c'était un quasi adieu parce que la vie allait nous séparer.
Bien sûr nous nous sommes revus, encore quelques fois, mais nos chemins s'étaient déjà bien  écartés occasionnant cette gène indiscible de devoir rester sur des niveaux superficiels dans la conversation, cette peur de poser des questions.
Quarante ans de silence ne se résument pas  en une vidéo ou en un power point d'anniversaire, c'est  juste  plus fun...
Dorice, et vous tous mes amis qui avez embelli mon adolescence, vous me manquez, bien plus maintenant que je suis père et alors que je serai bientôt grand père.
Je n'ai pas pu/voulu enseigner  la religion, la foi,  mais j'ai transmis à mes fils les  valeurs morales qui nous unissaient et l'attachement à ce pays où je n'ai pas pu ou voulu vous rejoindre.
Je charge ces ados qui ressemblent à ce que nous restons dans mon souvenir de te souhaiter un joyeux anniversaire.
-





5 commentaires:

  1. Te voilà de retour !
    Depuis que je tiens ton blog à l'œil :-)
    Je ne suis pas un fan de Jean-Christian Michel, je trouve qu'il escroque parfois un peu son monde en abusant du registre grave de la clarinette, celui qui prend aux tripes. J'en ai malgré tout transmis deux LP à mon fils.
    Ce qui est marrant, c'est que j'ai eu, semble-t-il, un parcours similaire au tien ; j'étais (et je suis resté) un mordu de jazz et c'est en écoutant Bach Street de Raymond Guiot (j'ai aussi transmis son LP de 65 à mon fils) que je me suis intéressé à la musique baroque jusqu'à en devenir passionné.
    Ce n'est pas notre seul point commun dans ce que tu racontes : dans une autre vie j'ai été secrétaire fédéral des éclaireuses et éclaireurs de Belgique.
    Sur le net, je n'ai retrouvé qu'un extrait du disque de Guiot : https://youtu.be/86UwD4jzOPM

    RépondreSupprimer
  2. salut l'ami Walrus oui JC michel c'est plutôt le souvenir que j'aime car mon prof de musique l'avait fait descendre de son piedestal J'ai cherché en vain l'ouverture spaciale de lui que j'aimais bien (je dois avoir le vinyle qq part )
    je reviendrais bien à des posts normaux mais depuis 2 ans je suis impliqué dans une lutte qui me prend beaucoup d'énergie mais me booste également / bref je manque de temps encore plus qu'avant Hier j'ai vidé entièrement la grande Table pour un repas d'association j'ai été super rapide (tout est planqué dans une caisse bien sûr) j'étais fier de moi . ;-) Walrus t'ai je dit qu'une mini Zigmundette naitra bientôt au foyer de fils n°1 ? bel été

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. T'inquiète, je n'ai rien perdu de ton combat ni de tes nouvelles. Meilleures amitiés cher Zigmund !

      Supprimer
  3. Ce billet est une pure merveille d'émotion.
    J'ai frissonné, complètement sous le charme.

    Ah tout ce qui a été et qui ne sera plus mais qui reste néanmoins en nous et nous aide à vivre...

    Merci.

    RépondreSupprimer
  4. C'est la partie la plus heureuse de mon adolescence ; les seuls moments où je me sentais libre et vivant / Il m'a fallu attendre quelques années pour retrouver avec d'autres amis cette sensation de liberté et cette joie de vivre / c'est à moi de te remercier Marie

    RépondreSupprimer

c'est à vous de réagir ....