dimanche 7 avril 2019

Au delà des jonquilles



Contre  toute  attente la partie  d'échecs  s'est  poursuivie.
Mais  elle  n'a  provoqué  que  souffrance et  Pa va mourir.
Aujourd'hui  ?  demain  ?  une  semaine  ?
Nos  vies  sont  mises  entre  parenthèses  pour  l'accompagner.


Petit, je croyais  mon papa immortel,  je  ne  croyais  pas  aux  voies  sans issue ;  aujourd'hui  encore,  je n'arrive pas  à  croire que  Pa va  partir que je jetterai de la terre d Algerie sur son cercueil et  que son nom  sera  écrit  à côté de celui  de  Ma  sur la  pierre  tombale.
Pa ne  parle déjà plus  beaucoup, il  a juste  trouvé  la  force  de  demander à  mourir.
 
Les  journées  passent finalement  assez vite  dans cette  chambre   d'hôpital, rythmées par les quelques visites  autorisées, ou par les soins, et par   le bruit  des  tramways au  dehors. Et  parfois le  silence, et  toujours ce vilain  mur  rose qui fait  face  à Pa avec  cette  énorme  pendule, ce  calendrier, la  photo  de  Satelle et ce collage coloré qu'elle  a  fait  pour  lui ...
Quand  je  sors de  l'hôpital, je fais  un  grand tour dans  la  ville avant  de  rentrer. Je regarde  les gens  à  la terrasse  des  cafés, les  quais, je redécouvre  cette  ville  qui  fut la  mienne. L'espace  d'un  instant, j'imagine  que je vais  moi  aussi  m'installer  en terrasse et respirer  l'air  de  la ville. Mais je  rentre sagement, j'ai  pris mes  marques  dans le  grand  appartement  vide.
Je fais des   efforts pour  ne  pas  déranger  l'ordre  établi, avec cette  idée folle que  Pa pourrait revenir  et  pousser  une  gueulante pour  chaque objet  que j'ai  déplacé,  pour la  Table  que  j'ai fait  disparaître  sous  les  papiers à  classer.         
Je  m'abrutis  devant  la  télé avec  un plateau  repas, souvent des  sushis.
Je  dors  peu  et  mal.
La  matinée  passe  vite : c'est  là  que je gère  l'administratif.
En  fin  de  matinée,  je  pars pour  l'hôpital.
Avant  de  prendre  ma  voiture  je marque  un  arrêt  dans  le jardin  proche,  et  je  photographie le même massif  de  fleurs : les  jonquilles  venaient  juste d'éclore  quand  Pa  est  tombé, je  les  ai  vues  s'épanouir, magnifiques, de ce jaune  éclatant  qu'on  a vu fleurir sur les  ronds  points.  
et  je les  ai  vues  progressivement se  faner  et  se  dessécher au fur  et  à mesure  que l'espoir s'amenuisait.
 



  
(vidéo  mise  ici pour  le  chant  seul)
Il  y  a eu  ce jour  où j'ai  guetté le  bruit  du  chariot dans le  couloir de  l'hôpital, c'était  celui  du  chariot  de  l'infirmière, j'ai  pensé  au  film  la ligne  verte... C'est  moi  qui  ai  donné le feu vert... elle  a branché  2  nouvelles  seringues  pour  que  Pa dorme  et ne souffre  plus.
 Il reste encore  un  éclat tout  doux dans  son regard  quand  il arrive  à  ouvrir les  yeux et  qu'il  me  reconnait. Il n'a  même  plus  la  force de  serrer ma  main dans la  sienne.  
Je  joue les  costauds, j'ai  enfilé  ma "blouse virtuelle de médecin", je  trouve  la force  de  consoler les  autres et  même de  plaisanter. 
Bientôt cette  peur  de  perdre mon  père, très  ancienne, sera  devenue  réalité et   remplacée  par  cette  peine immense de  l'absence. 

  


 

6 commentaires:

  1. je comprends, Zigmund.
    Bon courage

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    1. A te lire me revient la peine de la disparition de ma mère, cela fera un an le 28. J'ai comme toi redouté de la voir s'effacer, et j'ai comme toi, fait des photos de la chambre d'hôpital et pas des photos d'elle, en me disant qu'il fallait qu'elle soit absente des photos afin que je réalise que bientôt elle serait absente de ma vie.
      C'est fou ce que ça manque, ensuite, même si on sait que la souffrance de la fin était difficile et la fin souhaitable.
      Tiens très fort les jonquilles, leur couleur éclatante apportera un peu de soleil à ta tristesse. C'est fou, on est déja triste avant, juste à l'idée.
      Je te souhaite bon courage pour ce combat.
      Marion

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    2. Merci Marion
      j'ai pris quelques photos de Pa à l'hôpital mais j'ai du mal à les regarder pourtant même malade il restait beau et digne
      bon courage à toi aussi

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  2. C'est dur de voir s'éteindre doucement nos proches, balançant entre des attentes contradictoires...
    Je pense bien à toi, cher Zigmund!

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    1. oui Walrus c'est exactement ça que nous avons vécu.
      merci Walrus

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