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jeudi 26 novembre 2009

ordre et beauté ?


" Là, tout n'est  qu'ordre  et  beauté, luxe  calme et  volupté"
De  mes  "humanités" me  revient  ce  célèbre  vers de  Baudelaire qui me trotte dans  la  tête aujourd'hui. 

Il est temps pour moi de vous faire un aveu : s’il y a une chose qui me laisse de glace , c’est bien la poésie « larmoyante » de  cette époque. Je prends le risque de me faire incendier, mais tant pis, chacun son vilain mauvais goût, considérez que c’est une forme de handicap.
Mais voilà, aujourd’hui je me suis réveillé avec cette phrase qui  tournait en boucle…
Il faisait encore nuit, je me suis empressé d’ouvrir complètement le store. Ma mère ne comprend pas que j’aime dormir volets grands ouverts et que j’étouffe dans une chambre plongée dans  le noir complet. Pour lui faire plaisir, j’ai négocié 50 cm d’ouverture, elle aurait voulu 20 « pour ne pas qu’on me voie «  mais elle oublie que le vis-à-vis, sauf s'il est  muni de jumelles, ne voit rien, et s’imagine peut être que je vais m’exhiber en petite tenue devant la baie vitrée.
Je dors dans le lit de mon papa et je regarde le ciel s’éclaircir progressivement. Les lumières d’un avion qui se rapproche  grossissent de façon impressionnante. Je me réjouis(c’est bête,  je sais ! ) qu’il ne fonce pas sur l’immeuble. Les nuages dessinent quatre visages gris bleutés, tous tournés dans la même direction.
Ici tout est ordre. Ordre ? je suis allergique à ce mot, déjà l’écrire me blesse.
Ici tout est rangé, le moindre grain de poussière est traqué sans pitié, le moindre signe de vie serait incongru.
En arrivant, je suis entré en résistance : sur la psyché de ma grand-mère, j’ai étalé ma bibliothèque sans laquelle je ne me déplace pas
(5 livres pour 4 jours alors que je sais que je vais passer plein de temps sur internet, ou à l'hôpital, c’est ma forme de maladie psychiatrique à moi). Un peu sadique, j'ai pris plaisir à semer un peu partout la « filerie » : chargeurs divers (portable, ordi , batterie appareil photo et clés USB en tout genre). Mais, même comme çà, la chambre est monstrueusement rangée. Je pense à ma maison et au désordre odieux que les escalators sèment dans toutes les pièces. Je pense à Zigmund et Elvis chats qui viennent à tour de rôle nous réveiller en sautant sur le lit. Cette simple idée est ici inconcevable. Déjà je me réjouis des quelques géraniums qui survivent sur le balcon.(ma maman n'aime pas les fleurs)
 
Il y a des photos, de mes grands parents, il y a peu de photos de vivants, il n’y en a pas de moi.
J'ai appris aujourd'hui des choses primordiales en ces instants difficiles, comme le pli impeccable qu'il est bon de laisser sous le traversin du lit, l'urgence vitale de faire égaliser l'ourlet de mon pantalon, le tri des déchets version non conventionnelle, les horaires de la femme de ménage...la maison est nickel chrome, je ne sais pas ce qu'elle va trouver à faire.
(je suis habitué : ma maman a toujours eu un amour inconsidéré pour l'ordre )
Je suis donc doublement en apnée, d'abord parce que pendant que nous devisons gaiement là dessus, des visages inconnus et masqués se penchent sur mon papa pour l'endormir et l'opérer, et aussi parce qu'ici tout est problème et complication, et pas vraiment luxe, calme et volupté et que cet ordre immuable m'angoisse et m'étouffe.
Ne vous inquiétez pas mes réserves de zen sont assez bien fournies. Un petit tour en ville devrait me permettre de recharger mes batteries.    


  
    Après une journée riches en rebondissements, mon papa ne sera opéré que demain matin...J'ai aimé ces cercles lumineux disséminés sur le port, j'ai pris plaisir à écouter sur le long chemin du retour de l'hôpital Orlando furioso,(Vivaldi) que je me suis passé en boucle et un chouia fort avant de retrouver ma maman.
z

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