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dimanche 18 mars 2012

Cécité et disparition programmée (version longue)


cet article avait été envoyé au plus du nouvel obs :  quelques modifications  et précisions ont été apportées pour plus de clarté. pour ceux qui fréquentent ce blog régulièrement il y a donc beaucoup de répétitions d'autres posts .

Mise  à  jour  Juillet  2020 
https://vimeo.com/435047045  

 2mn 24   pour comprendre  le  délai  des  ophtalmologistes et  l'importance  des masques.

  pour ceux qui s'intéressent particulièrement au problème, j'ai ajouté cette vidéo acceptée par le SNOF , le lien avec un rapport  très complet conjoint du SNOF et de l'accadémie de l'ophtalmologie et  des liens avec le blog d'un confrère et celui d'une consoeur.
 Dans les jours qui viennent je serai peu présent , pour cause de TABLE et de 2035 jusqu'ici procrastinées j'espère revenir bientôt...






Ceux qui fréquentent les cabinets d'ophtalmologie se divisent en deux groupes : d'un côté les "patients " qui essaient de prévoir leurs rendez-vous à l'avance dans la mesure du possible (quand il ne s'agit pas d'une urgence) et les autres, impatients, ténors médiatiques, qui hurlent au scandale en faisant mine de découvrir  le délai d'attente pour obtenir une consultation chez un ophtalmologiste.
La plupart des gens, mes patients y compris, sont incapables de se poser la question en sens inverse : si l'ophtalmologiste me donne rendez-vous dans trois, six ou douze mois, ce n'est  peut être pas par sadisme, c'est tout simplement qu'il n'a pas le choix.
 
Se demander pourquoi il n'a pas le choix, c'est d'abord poser la question de la disparition des ophtalmologistes médicaux.
Les causes de la pénurie d'ophtalmologistes sont  peu diffusées ou mal comprises par les médias : il a suffi que vers la fin des années 80, on supprime le CES d'ophtalmologie (et les CES des autres spécialités d'ailleurs). Auparavant, deux voies permettaient aux étudiants en fin d'études de médecine d'exercer une spécialité : le concours de l'internat, ou le CES(=certificat d'études spéciales).
Dans le cas de l'ophtalmologie, on choisissait après la 7ème année (à l'époque) de poursuivre des études spécialisées en ophtalmologie après avoir réussi un examen probatoire ; s'ensuivaient 3 années d'études théoriques,  de stages hospitaliers et de gardes. Pendant ces 3 ans, les " CES " assuraient  gratuitement dans les CHU les mêmes fonctions que les internes en ophtalmologie. Un examen national   final permettait  de valider le CES et d'exercer la spécialité.
Après la disparition des CES, certains hôpitaux ont comblé partiellement le vide laissé par quelques médecins à diplôme étranger.
Mais ces solutions se sont révélées insuffisantes, et, à partir des années 2000, l'aggravation a été nettement constatée dans  presque toutes les régions (sauf Paris et PACA).
Depuis environ 25 ans la seule voie pour former des ophtalmologistes est donc l'internat rebaptisé ECN.
Or le nombre  de places d'internes en  ophtalmologie est resté très faible sans tenir compte des besoins et du vieillissement de la population. De plus, la plupart des internes sont chirurgiens et consacrent moins de temps à la partie médicale, non négligeable, de la spécialité (prévention, strabologie, neuro ophtalmologie, glaucome,dépistage du diabète ou de la DMLA)

Ce qui précède est  un schéma rapide et incomplet ; pour plus de précisions , je vous invite à parcourir ce rapport  du Syndicat national des ophtalmologistes à ce sujet.




 
Souvent, nos patients ont du mal à réaliser l'ampleur de la situation en avançant quelques arguments : 
 
• "Si c'était le cas, la télévision, la radio ou les journaux en parleraient ?" : eh bien non, figurez-vous ! La plupart des articles de presse relaient un testing de nos secrétariats et de nos délais de consultation dont les résultats sont placardés et l'article s'arrête aux lamentations des foules...
 
• "Pourquoi les jeunes refusent-ils de faire les études d'ophtalmologie ?" : ils ne refusent pas, bien des étudiants en médecine souhaiteraient choisir cette spécialité ; mais  on compte chaque année environ 1,6% des postes ouverts aux "épreuves classantes nationales" alors que les ophtalmologistes représentent 3,2% des médecins d’Île-de-France.
 
Y a t'il des solutions ?
Un ophtalmologiste récemment installé  a cru bon de communiquer  sur son délai de rendez vous en 24 à 48 h en secteur conventionné. Cette installation a été présentée comme LA solution. La cible privilégiée de ce centre : les  rapides consultations lunettes ou lentilles et le dépistage, mais pas la gestion des maladies. Or lunettes et lentilles sont la partie "visible" de l'iceberg ophtalmologie.   
   On pourrait envisager de doubler ou de tripler son temps de travail et d’accroître sa productivité, (en diminuant drastiquement le temps passé avec le malade) c'est un leurre, qui amène  souvent à des lunettes ratées, des explications bâclées , ou carrément des erreurs de diagnostic.
Le SNOF propose  la solution du travail avec les orthoptistes, c'est très séduisant,  mais insuffisant et le montage financier est difficile en secteur conventionné.
A titre personnel je n'ai pas de solution à proposer, car même en augmentant  le nombre de postes en ophtalmologie, les délais vont s'agraver avec les  prochains départs en retraite des anciens CES .
En cette période électorale, nous entendons beaucoup de propositions aberrantes de la part de chacun des candidats en matière de santé :
-remplacer les médecins par les vétérinaires( l'idée du siècle )
-multiplier les maisons de santé pluridisciplinaires, en oubliant que pour remplir une MSP il faudra trouver des médecins.

-confier la réfraction aux opticiens  et apparentés :  si 10 ans  d'études (ou plus actuellement) ne sont pas indispensables pour "faire des lunettes", il faut bien garder à l'esprit que ce sont les consultations lunettes qui permettent le dépistage de la pathologie. Ce qui intéresse votre ophtalmologiste, c'est ce qui se trouve juste derrière les lunettes.
A ce propos, on se  posera la question de l'augmentation très conséquente des diverses formations en optique, parallèlement à la disparition des  médecins ophtalmologistes. Les (trop) nombreux opticiens installés se livrent une guerre commerciale sans merci.
-ou obliger les médecins à s'installer en zones sous-dotées et déjà désertées par tous les services publics et les commerces.
  J'invite ceux qui vivent dans les régions moins médicalisées que l'Ile-de France à jeter un coup d'œil aux cheveux grisonnants de leurs médecins ou de les interroger sur l'avenir de leur profession. En ce qui me concerne je sais déjà qu'à l'heure de la retraite, je fermerai mon cabinet sans successeur.
Pour résumer la situation, voici le texte que certains ophtalmologistes, prenant l'exemple de l'Ile de France(où on attend 900 départs à la retraite d'ici 2015) ont affiché dans leur salle d'attente :
 
"Les autorités sanitaires ont décidé d'aggraver encore le sous-effectif en médecins ophtalmologistes.
Le nombre de postes mis au concours pour la formation d'ophtalmologistes a été constamment diminué par les pouvoirs publics ces dernières années. Il en résulte des délais de rendez-vous croissants, devenus préoccupants dans de nombreuses régions.
Malgré les alertes de plus en plus pressantes du syndicat des ophtalmologistes (SNOF), les autorités décident de poursuivre dans cette voie et d'aggraver encore le déficit : par exemple, en région parisienne, la commission régionale de l'ONDPS vient de recommander de continuer à n'offrir que 20 postes en ophtalmologie pour 2012.
Quand surviendra la catastrophe sanitaire qui viendra révéler cet aveuglement ? Les ophtalmologistes s’inquiètent et veulent alerter la population."

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