vendredi 23 janvier 2009

la mort du traître blanc




 Âmes sensibles passez votre chemin.
Depuis un an ils n'étaient plus que trois à s'ébattre dans les quatre cent litres d'eau de mon aquarium.
Vous me direz que trois c'est bien  peu pour tant d'eau...mais voilà, dans un aquarium, quand une nageoire tremble, le reste suit et les catastrophes s'enchaînent. Donc restaient trois spécimens ...
Victor, le nettoyeur, très laid comme tous les nettoyeurs ;  ces derniers temps, son boulot laissait tellement à désirer que j'imaginais qu'il était peut être mourant sous un morceau de bois,et qu'il fallait que je le remplace.Récemment il a daigné se montrer, traînant sur le gravier, apparemment peu concerné par l'opacité chronique des parois de l'aquarium.
Il faut dire que la pompe est tombée en panne, ce qui ajoute des dépôts d'algues pas glop sur le sol,  donc, Victor  fait ce qu'il peut mais  il peut peu...

Il y avait Saruman, le héros,celui qu'on remarque tout de suite. Saruman est un astronotus ocellatus, plus simplement un oscar , de la famille des cichlidés, çà ressemble à un mérou miniature, c'est un poisson "intelligent" qui " reconnaît" les gens, qui les suit autant que lui permettent les limites de l'aquarium.
Et il y a miss Labéo, qui porte en réalité le prénom d'une femme politique. Elle est noire à queue rouge, très élégante ; la particularité du labéo est de stresser les autres poissons en les suivant partout, sans les agresser, juste histoire de les agacer. Mais vue la vacuité de l'aquarium,  les capacités de nuisance de miss labéo sont limitées .


Saruman est arrivé en même temps que les autres il y a quatre ans, il mesurait deux centimètres au garrot, et je lui avais pris une "copine" de même race, noire et or, superbe, qui a disparu au bout de deux jours. Bien sûr il n'y a pas de preuves mais Saruman, malgré ses airs innocents et l'absence d'empreintes digitales, est le suspect numéro un vu qu'il est le plus balaize et qu'il a rapidement décimé guppys et néons en dessert.
Une fois qu'il a fait le vide autour de lui, il a mené sa petite vie de poisson, surveillant mes consultations, atteignant progressivement les 10-12 centimètres de long.
Le surnom de traître blanc lui allait comme un gant, non seulement à cause de sa conduite détestable envers ses petits camarades, mais aussi parce qu'espérant une jolie couleur, je l'avais commandé "gold" et qu'en fait gold c'est albinos.De plus, il était peut être aveugle,  n'avait pas été gâté côté neurones, lui faisait défaut cette sorte d'intelligence qui fait qu'on s'attache à un cichlidé (Wanda dans "un poisson nommé Wanda " est un scalaire de la famille des cichlidés.) L'an dernier, Saruman est tombé malade, se traînant lamentablement sur le gravier,  quelques cuillerées de sirop pour êtres humains l'ont remis sur pied et j'avoue que j'étais fier de l'avoir sauvé.
Depuis le début de l'année, il a rechuté...j'ai ressorti le sirop miracle, envisagé la perfusion,  la respiration artificielle, voire le choc électrique,  mais cette fois ci, je n'ai rien pu faire.
Samedi matin,  j'ai sorti doucement le  cadavre de Saruman,  et je me suis demandé quoi en faire.
Le jeter à la poubelle a été la première idée, mais je me suis ravisé, imaginant les cris de la secrétaire ou de la femme de ménage. Et puis je me disais que même cette bestiole antipathique méritait mieux que les toilettes ou la benne à ordures.
Donc a germé l'idée d'un enterrement : juste en face du cabinet, il y a un petit jardin, au pied d'un rosier, c'est pas mal...oui mais, c'est jour de marché, je vais immédiatement me faire repérer, creusant sournoisement les bacs municipaux, et j'imagine la honte de devoir expliquer que j'enterre Saruman . Un coup à se retrouver à l'asile...
Zigmund et Elvis, chats qui se partagent le jardin du collectif l'Escale, auraient peut être apprécié  que j'y enterre Saruman, mais un poisson exotique, malade, c'est sûrement pas diététiquement correct pour un chat européen.Pour les mêmes raisons sanitaires,et écologiques on oublie la rivière proche.
Bien ... Saruman mon détestable associé, vient de passer son bac...Je jette souvent un coup d'oeil inquiet et discret au  grand bégonia de la salle d'attente. C'est dans ce bac à fleurs, au pied du bégonia que j'ai enterré  (à l'insu de tous) le beau traître blanc.

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Z
23 Janvier 2009 , Rédigé par zigmund

mardi 13 janvier 2009

le boeuf sur le toit




 Depuis quelques années, mes voeux sont envoyés au moment du nouvel an chinois, c'est à dire fin janvier début février.
Plusieurs raisons à çà  :
-début Janvier, je suis régulièrement submergé par un tas de tâches administratives et comptables (j'vous dis pas l'état de la table !...) et que je m'y prenne dès réception des formulaires ou "à la bourre",  il y a régulièrement quelque chose qui bugue,  me bouffe mon  temps, et me met d'une humeur de chien.
-je suis pas top pour les voeux classiques
- effaré par le hiatus de plus en plus fréquent entre les souhaits convenus de "bonne année, bonne santé, bonheur et tout çà" et  les catastrophes qui nous environnent, je me vois incapable de souhaiter bonne année à mes proches avec en arrière pensée, les sans-abris, les sans-papiers, les guerres, la lente destruction du monde  alentour.
 La seule issue que j'ai trouvée est donc ce décalage des voeux dans le temps et de faire dans l'exotisme. 
Une consoeur  envoie depuis quelques années  un cours de chinois annuel à titre de voeux, et m'autorise à l'utiliser comme support à mes voeux ; "souhaitons nous beaucoup de cours de chinois annuels. Si une vie entière est, dit on, insuffisante pour maîtriser la langue chinoise écrite, la lecture du cours annuel de chinois prolonge donc votre vie d'une année, faites  bon usage de cette année qui vous est offerte"  
Avec son accord, je vous envoie donc le cours de chinois de l'année du buffle : 



"Voici venu le temps de notre cours de chinois annuel, puisque prend fin l’année chinoise du rat et que commence bientôt l’année du buffle.
Un mauvais calembour –mais ce sont mes préférés- s’impose d’emblée : année du rat et passage direct à l’année du bluff.
 Souvenez vous, je terminais notre  précédent cours de chinois par « l’une des sources internet consultées pour ce cours, signale que l’année du Rat serait propice à la spéculation, et que ce serait une  bonne année pour les placements boursiers…» et à cette époque les bourses de la planète s’offraient déjà un beau plongeon… que dire aujourd’hui !
L’année du buffle, ou du bœuf, commencera le 26 janvier 2009.
 Passons rapidement sur la symbolique du bœuf ou du buffle  pour les deux : calme, bonté, force paisible.
Le bœuf est plutôt respecté en Asie.  Le plus célèbre est  un buffle qui sert de monture au maître taoïste Laozi (Lao Tseu) pour voyager vers l’Ouest.
Chez nous, il en va différemment : le célèbre « les Français sont des veaux ! » (d’un  président peu reconnaissant envers ses électeurs)  n’avait rien d’un compliment …
Le troupeau des bovidés illustres  est assez  clairsemé.
 Dans la  fable de La Fontaine  « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf »  la grenouille  vole la vedette au bœuf  mais meurt ridiculement  sur scène.
Nostalgie et émotion : souvenez-vous de  Marguerite, la vache qui accompagne Fernandel dans son voyage « la vache et le prisonnier ».  Quoi ? Vous n’avez pas versé la moindre  larme, et n’avez pas renoncé au steak dans les semaines suivantes ?  vous êtes un monstre sans cœur !
D’autres bœufs  plus généraux sont tapis dans un coin de notre conscience « qui vole un œuf, vole un bœuf » et « mettre la charrue avant les bœufs ».
Il y en a un pratique et grammatical : un œil de bœuf se dirait au pluriel « des oeils de bœuf » 

Il y a aussi «  faire un bœuf, en musique », qui vient du nom du restaurant parisien « le bœuf sur le toit » où des musiciens célèbres se réunissaient. Prenez le temps de découvrir ou d’écouter le Bœuf sur le toit de Darius Milhaud. --------
Mais venons-en aux chinoiseries annuelles d’usage  :

L’idéogramme du bœuf est simple à tracer
D’abord la virgule, puis le trait horizontal du haut, puis celui du bas chouia plus grand, et enfin ,le vertical ( mes tentatives de traçage  sur ordinateur se terminent généralement par un certain agacement et beaucoup de gros mots …)

Il se prononce niú
comme dans l’anglais new (l’accent sur le u de niu vous indique le ton remontant comme si vous posiez une question)

 niú ròu = viande de bœuf (utile pour les sans cœur qui vont au restau chinois à la sortie du cinéma)

 shuǐ niú =buffle( mot à mot : bœuf d’eau)

  shuǐ = eau ( shuǐ se prononce chou’éi  descendre  puis monter le ton)


Avançons encore dans la chinoisitude pour vous souhaiter une bonne année du buffle et… parler argent :  là bas,  il s’agit en effet d’une préoccupation prioritaire. Voici  l’idéogramme de la richesse
   cái
Formé de 2 caractères :
  bèi représente un coquillage(cauris ou cyprée) qui servait de monnaie d’échange  au néolithique .Ce caractère désigne  ce qui est précieux
  cái   qui signifie aptitude , talent
Leur union représente non pas la richesse en tant que puissance, mais plutôt « le pouvoir d’achat »
L’injonction

fā cái !
enrichissez -vous , n’a rien d’indécent pour un chinois, c’est la formule la plus courante  pour les vœux de nouvel an et il est normal d’offrir à ses enfants adultes une enveloppe rouge, marquée de ces caractères et contenant de l’argent.
Au moment de formuler mes vœux pour cette année du buffle, je balance entre vous souhaiter santé, bonheur et tutti quanti… comme il est d’usage en Occident, et vous souhaiter l’enrichissement à la chinoise. Tous, nous venons d’offrir à Picsou,  monsieur Sylvestre et consorts, une  monstrueuse enveloppe rouge  et nous n’avons  pas entendu le moindre « merci !» Si la situation n’était pas si inquiétante  pour les économies ou l’emploi de certains, je m’autoriserais bien une amorce de sourire. Consolons nous mutuellement en nous disant que  nous voilà riches de  ces quelques caractères que je vous offre sans euros dans l’enveloppe rouge. (qui  a murmuré : « zut, j’aurais préféré ! » ?) Enfin, je me permets de conseiller à ceux d’entre vous à qui restent quelques richesses  après le passage du cyclone, de réfléchir sérieusement à leur destination, d’en faire profiter ceux qui en sont démunis, et de savoir en  jouir eux-mêmes avec tact et modération . Carpe diem. "


Bibliographie
-Cyrille Javary : 100 mots pour comprendre les chinois. Albin Michel
  -http://www.chine-nouvelle.com/outils/editeur.html
z

samedi 10 janvier 2009