vendredi 14 septembre 2012

rat des villes et rat des champs

Dr  Berthold Zigmund 
médecin ophtalmologiste
Bled la Forêt
 
                                                                                  Professeur Superoph
                                                                   Grandeville


 
                                         Cher confrère,
   
Dans la vraie vie,  je te vouvoie  car bien que tu sois plus jeune que moi, ton aura professionnelle prime largement sur mes cheveux gris.    
Je ne vais pas jusqu'au classique " Monsieur et Cher Maitre" quand même...j'ai passé l'âge de ramper.
Je t'écris de temps en temps pour te recommander un malade  particulièrement difficile. Quand je m'inquiète pour un malade au point de lui proposer de faire des kilomètres pour avoir l'honneur de ton coup d'oeil, c'est que je veux pour lui le meilleur.Tu es le grand super spécialiste reconnu par tous du mouton à 5 pattes en ophtalmologie.
Souvent, je ne suis pas déçu :  le malade revient content, rassuré,  plus conscient des problèmes que  pose sa pathologie, et convaincu du bien fondé de tes propositions de traitement.
Mais parfois, sans que je comprenne pourquoi, tu trébuches, et même si je m'efforce de cacher ma déception, le malade l'exprime lors de la consultation avec moi : 
-"Il" a demandé que je retourne le voir, alors  j'ai refait les kilomètres pour y aller, et là, "Il" a pris ma tension et 5  minutes après, j'étais dehors et ça m'a couté 100€.
-vous aviez demandé une intervention spéciale faisable seulement chez "Lui" ...en fait "Il" m'a  opéré de la cataracte selon la technique classique on aurait  aussi bien pu faire ça près d'ici...(Et moi je fais quoi avec le truc qui m'emmerdait bien plus que la bête cataracte ?)
-"Il" n'a pas même pas voulu lire votre lettre, "Il" était de mauvais poil ("Il" s'était engueulé avec sa femme)...je ne crois pas qu'"Il" vous répondra "Il" n'a pas dicté de lettre.
Cher confrère, oui, parfois tu  me gonfles... Je ne t'en veux pas pour les 100€ en 5 minutes, mais j'ai l'air de quoi moi, avec mes 28€ pour 1/2 heure à réfléchir sur ce cas difficile et à avoir fignolé ma lettre pour que tu recoives mon patient comme un roi ?
Tu me répondras 5 minutes ET 15 ans d'études, sois gentil , vas expliquer ça à la ministre qui regarde d'un oeil torve les honoraires S2 des médecins moins bling bling qui savent  prendre le temps nécessaire pour examiner un patient ou au moins discuter leur cas avec lui. (Non,  je ne te demande pas de gaspiller une demi heure !)  Je t'en veux de cette convocation inutile et de ce voyage imposé pour un acte que je maitrise aussi bien que toi.
Tu m'énerves d'avoir lu ma lettre en diagonale et d'avoir répondu à mes angoisses sur la cornée ou le glaucome par une opération de cataracte à la portée d'un interne.
Cher confrère, je suis loin d'être le meilleur, je sais habilement camoufler mes lacunes. Je n'ai pas honte de mes doutes et c'est en confiance que je t'envoie mon patient comme s'il s'agissait de mon propre frère.
En te remerciant de le traiter comme tel, (et pas seulement médicalement) je te prie d'agréer l'expression de mes bisous sentiments confraternels les meilleurs.   
Dr Zigmund

 à propos d'argent je découvre ce billet sur la façon dont l'assurance maladie paye ses médecins conseil ...la comparaison avec les revenus d'un médecin par rapport au temps de travail explique pourquoi les jeunes médecins ne sont pas enthousiastes pour s'installer en"soit disant " libéral :  http://unmetiercasappend.hautetfort.com/archive/2012/09/12/l-argent-ne-fait-pas-le-bonheur.html

samedi 8 septembre 2012

l'art de la guerre : stop ou encore ?

L'opération #PrivésDeDéserts a été relayée largement sur la toile et dans les médias  : 24 médecins généralistes blogueurs ont publié un texte commun suivi d'une pétition concernant les déserts médicaux et du coup,  la ministre de la santé a  promis de discuter. Tout ça a été largement relayé sur internet via twitter, par la presse  puis par la télévision. 
Je salue l'effort ! mais j'ai perdu l'habitude de faire confiance à nos élus y compris ceux pour qui j'ai voté, peut être devrais je écrire surtout ceux là !
Timeo Danaos et dona ferentes...
Quelques ophtalmos se réveillent et regardent ce buzz d'un oeil étonné et gourmand, j'ignore les réactions des autres spécialistes.
"Et pourquoi nous on ferait pas pareil hein ?"
Ben non ... on est déjà à contre temps.
Alice, une consoeur ophtalmologiste, a suggéré d'utiliser le go dans cette guerre larvée qui nous oppose aux tutelles.
Je ne suis pas le mieux placé pour aborder le sujet mais je pense qu'elle serait déçue que j'ignore sa question.
Les renseignements sur le jeu de go sont là :
 Bagarres virtuelles  ou
 http://jeudego.org/(plus sérieux) ou 
Duel/tournoi de go 
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Voici donc quelques éléments de réponse à sa question : 
-sache, qu'avant de se lancer dans une partie de go il faut mesurer les forces en présence. Dans le cas présent, nous sommes de petits joueurs c'est évident.
-sache qu'une pierre isolée a une grande influence mais si elle reste isolée elle mourra tel le Roland moyen à Roncevaux. 
-sache qu'au go il est bien plus élégant, honorable de gagner d'un point ou d'1/2 point  après des heures ou des journées entières de combat  virtuel que d'humilier son adversaire/partenaire...  
Nous sommes  des petits joueurs,divisés, non connectés, nous sommes  un groupe de  pierres isolées et cernées de tous côtés.
Ils nous laisseront vivoter jusqu'à notre retraite chacun dans notre coin et prendront le reste du territoire.  En face, ils n'ont que faire de l'éthique ou de la beauté du jeu, obnubilés qu'ils sont par leur public, la presse et leurs électeurs. En face, tutelles et syndicats horizontaux trichent, unis par une seule idée : nous remplacer nous et nos insupportables délais par des gens moins qualifiés et qu'ils imaginent  moins chers.
 Pour eux les enjeux économiques sont primordiaux. Et tu sais bien que nous sommes les vilains méchants qui se "gavent". ( ils osent nous reprocher le prix des lunettes en amalgamant  honoraires des ophtalmos secteur 2 et le prix des lunettes)
Le bon  joueur est celui qui sait quand il faut abandonner. Nous avons déjà perdu la partie de la démographie, nous allons perdre celle des honoraires avec ou sans dépassement. Nous ophtalmologistes, avons manqué de connexion, et nous n'avons pas su trouver le bon rythme.
Provisoirement peut être- abandonner...
Au fait, Alice,  tu vas rire, j'ai oublié le principal  : sais tu qu'il faut deux yeux pour vivre au go ?
 
 
PS tiens puisque c'est le WE,  prends le temps de lire ça de dzb17
la Gé-pride 
et ce truc qui m'a scotché mais pas que moi : au moment de partir, lettre à un ami 
z
 

jeudi 6 septembre 2012

Titanic en ophtalmologie ...le retour

 Juste avant mon départ en vacances j'avais lancé l'idée de faire raconter aux blogueurs médecins ou non leurs journées de galère. 
icebergs en vue ... titanic en ophtalmologie
 Si le coeur vous en dit ...âmes sensibles s'abstenir !
De mes vacances je reviens gonflé à bloc, prêt à affronter les malades et à remplir mon compte en banque qui crie famine.
C'est un lundi, bien sûr...Un couple est déjà là qui m'attend dans la rue, je gare ma voiture et me prépare à ouvrir mon cabinet la secrétaire est encore en congés.
C'est au moment de poser la clé dans la serrure que je m'aperçois que j'ai sur moi le trousseau de clés "vacances" et que le trousseau "boulot" est resté à la maison.
Je remonte donc dans la voiture et file échanger mes clés.
Retour ... re-garage de la voiture et ce coup ci j'ouvre la salle d'attente....
L'odeur me saute à la gorge ...Je la reconnais, cette infâme  odeur de la pourriture, l'odeur de la mort.
Déjà dans la salle d'attente c'est une horreur mais  je sais déjà  que ce sera bien pire dans mon cabinet...Donc je mets le couple en stand by dans la salle d'attente, et je pousse la porte de mon cabinet.
Le désatre est à la mesure de mes craintes :  l'eau de l'aquarium est trouble et grisâtre, les corps de Charybde et Jaune Lemon flottent lamentablement à la surface, et Blue Jean ,  Blue Berry et les nettoyeurs sont en apnée à la surface, sub claquants.




D'abord évacuer les deux cadavres . Pas question de leur chercher une sépulture décente, un sac plastique solide fera l'affaire... le sac sera habilement camouflé dans la poubelle publique située juste devant la porte car l'odeur traverse déjà...
Ensuite chercher les bâtons d'encens jusqu'alors négligés et les allumer tous à la fois  avec en prime une giglée de bombe WC fraicheur vanille...

On obtient pour le restant de la journée une heureuse combinaison  pourriture-vanille- encens. 
Consulter dans ces conditions est angoissant, j'ai déjà connu ce genre de catastrophe.
Il faut expliquer rapidement et s'excuser de l'odeur, de temps en temps je me lève pour agiter le liquide nauséabond pour redonner de l'oxygène  et tenter de sauver les poissons restants.
Le soir venu, après la fin des consultations, j'ai enfin pu prendre le temps de vider les quatre cent litres puants (balancés discrètement dans le caniveau) et de remettre de l'eau propre. L'histoire se finit tard le soir mais bien, tous les autres poissons ont survécu...---
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z