mercredi 14 juillet 2021

Un été en pointillés


L'erreur  fut  peut être  de  partir  en retraite...mais je n'avais  pas  le  choix.

L'erreur  fut  de croire  que  j'aurais  enfin  du  temps  pour  moi...

L'erreur  fut  d'imaginer  qu'une  fois  ma  plaque  dévissée, je  m'occuperais  de  moi et  de  ma foutue  table...

L'erreur  fut  de  garder  ma  lampe  à fente ( ma  princesse ) pour  rendre  service  aux  amis...

L'erreur  est  d'avoir  appris   à  écouter et  à  compatir, et  d'avoir  encore  quelques  forces  pour  aider...

Outre  l'administratif  lié à  la  préparation de  la  retraite qui a  aggravé,  si  c'était  encore  possible, le désordre  sur  la  table,  il  y  eut  le  traumatisme des  "adieux" à  mes  patients, ceux  que je  suivais  depuis  près  de  35  ans,   ils  allaient  devoir partir  larmoyer  au  propre comme  au  figuré  pour  trouver  un  autre  ophtalmo. 

Quelqu'un  m'avait  dit  que  les  ophtalmos  vieillissaient  mal  et  voilà,  c'était  mon tour. 

Mes  patients  n'avaient  sans  doute  pas  perçu  la  différence,  mais  je  savais  bien  que  mes  gestes  étaient  un  poil  moins  précis, ma vision moins performante pour  examiner  les  fonds  d'yeux. Rien  de  grave  ou  de  dangereux  mais  ma  "force  de  travail " avait encore descendu  d'un  cran. Je  me  sentais  vieux  et  fatigué. Il fallut  aussi  me  séparer  de  mes  livres chéris et  des  objets  qui  faisaient  partie  de  mon  univers. La  force me  manqua  pour  me  séparer  de  ma  "princesse "  qui  se  retrouva  dans  le  coin d'une  pièce déjà encombrée  "au cas  où" ...

Le  temps  file  encore  plus  vite  qu'avant, et  comme je  manquais déjà  de  temps,  je me  suis  mis  à  rendre  visite  à  quelques  patients  âgés  et  isolés devenus des amis. J'ai parfois du  mal  à  me  décider  à  y  aller,  mais  une  fois auprès  d'eux, je n'ai  pas  de  regrets. Je suis  là  où je  dois être. 

Je n'ai  jamais  oublié  cette femme  âgée plutôt   sympathique, vivant  en  maison de  retraite où je travaillais comme  infirmier  :  d'après  le  personnel, malgré une  famille très  nombreuse   elle n'avait pas une  seule  visite ...et  je  me  demandais comment  on pouvait arriver à une  telle  solitude. 

Bien sûr,  je  pourrais  voyager, histoire de me  changer les  idées... mais c'est  impossible  : je n'ai  pas  eu le  courage de  programmer un  petit voyage à  l'étranger, et le golfe  du  Morbihan scintillera  sans   nous cette  année, car nos  amis  bretons sont  partis au loin. 

De plus, nos matous  sont  devenus  peu gérables et nécessitent  des cat-sitters patients et  expérimentés.

La vie  coule  doucement malgré la flemme et  le  manque  de  temps, nous nous  lançons  dans  des  expériences  culinaires plus  ou moins  réussies : pain (top!!!) flan aux courgettes (bof!) tajine (moyen) ; le  jardin  prend  des  allures   de  jungle non maitrisable. J'envisage  de  m'initier  au tir  au  pigeons car  ces   saloperies  de  rats volants n'ont  pas  laissé l'ombre  d'une cerise  dans notre cerisier. (les  chats n'ont  pas  fait  leur boulot) 

Je me  suis  remis  à lire : l'usage  du  monde  de  Nicolas  Bouvier histoire  de  profiter  des  voyages  des  autres dans   des  pays  que je  ne verrai sans doute jamais...

L'éte vient  à peine de  commencer, et j'ai le coeur  en  automne.    




   


  

 


12 commentaires:

  1. Bienvenue dans le monde des retraités, celui des "Je croyais que c'était hier !" :-)

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    1. c'est tout à fait ça quasiment pas pu m'offrir de grasse mat ...et parfois je rêve de m'ennuyer

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  2. ce n'était sans doute ni le bon moment ni les bonnes circonstances pour prendre ta retraite, mais à quel moment toutes ces choses-là sont-elles réunies, si on aime son métier avec passion?
    bon courage pour la suite!

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    1. j'ai repoussé au maximum ne serait ce que pour éviter le déménagement des instruments et des livres de mon cabinet et d'avoir à leur trouver une place dans la maison ou les emporter en déchetterie parce que personne n'en veut . c'est ça le plus triste : de ces livres ou instruments qui valaient cher (et qui m'étaient chers aussi car en 40 ans on tisse des liens avec les objets ) et qui construisaient mon univers plus rien n'a de valeur...

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    2. Il faut bien dire que quand mon ancien ophtalmo mesurait ma pression oculaire en me mettant des gouttes dans les yeux puis en venant coller à leur surface un instrument d'optique, c'était un peu plus compliqué que la machine de l'actuel qui me fait pfft! dans l'œil et c'est vendu ! :-)

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    3. en fait je faisais les deux soit avec les gouttes (plus précis) soit avec le jet d'air (plus rapide ) on s'est pas mal bagarrés entre oph pour savoir lequel était le plus sûr en période covid et comme souvent en médecine il y a des arguments des 2 côtés

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  3. La retraite est difficile à vivre, surtout au début, mais effectivement, c'est un soulagement d’arrêter car, comme tu l'as dit, on est moins performant et, en plus, en tant que généraliste, les correspondant partent progressivement à la retraite et, comme il n'y avait plus de FMC, loi anti cadeaux aidant, il m'était quasiment impossible d'en trouver pour les remplacer.Comme je m'étais inscrit, sur une adresse mail, à des newsletters (VIDAL, Syndicat..), je vois un peu ce qui se passe. Mais, ce qui manque le plus, c'est le contact avec le malade et ses histoires de chasse (le bon coup qui fait qu'on se sent utile). Heureusement le blog occupe un peu.

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    1. Pareil je garde le lien avec ma spé via internet .les congrès en viso sont affligeants malgré l'intérêt des sujets abordés . Effectivement j'avais commencé à me rendre compte du hiatus avec la nouvelle génération Je me souviens que qd j'étais jeune je regardais les vieux oph avec bp d'intérêt en imaginant que je deviendrais comme certains d'entre eux .Je n'ai pas cette impression avec les jeunes oph . ça m'a attristé cette impression que j'étais un peu transparent pour eux. Oui beaucoup de choses sont tristes dans la retraite . un point positif : maintenant j'ai le temps de me soigner... avant je devais choisir entre prendre le temps de soigner mes patients ou me préoccuper de ma propre santé :-)

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  4. Très heureux anniversaire, cher Zigmund !
    (Ceci au cas où aucune de tes adresses mail en ma possession ne serait plus d'actualité)
    Meilleures amitiés !

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  5. hello Walrus et merci j'avoue que voir arriver mon anniversaire m'attriste un peu pas tant par peur de vieillir mais parce que la fin de de l'été approche à grands pas

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  6. C'est tout l'intérêt d'avoir un travail pas passionnant : on attend la retraite avec impatience et je suis sûre que je serai vraiment heureuse quand elle arrivera enfin ! L'inconvénient, c'est qu'on s'ennuie ferme pendant les quarante ans qui précèdent. Bon.
    J'espère qu'avec un peu de recul la tristesse s'estompe et laisse place à un nouveau quotidien agréable et riche...

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    1. j'ai supprimé un de tes 2 comm en doublon la tristesse qd elle arrive est due aux signes du vieillissement En gros comme dit le Chat de Geluck on est enfin libre de faire tout ce b qu'on n'a plus la force de faire

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