jeudi 19 mars 2009

un prunier nommé Johnny



Johnny et Vonvon, avaient depuis longtemps perdu l'habitude de leurs vrais prénoms, et personne ne les appelait papy et mamie, ou papa et maman.Leur grande maison avec vue imprenable sur les ruines du château, était le lieu de retrouvailles et de fêtes pour les enfants et petits enfants.
Vonvon, en prenant possession de sa chambre avait déclaré, qu'elle voulait passer sa vie ici, et mourir un jour lointain dans cette même chambre.
A Noël, ce bougeoir, installé sur une fenêtre, était visible de loin et c'était la promesse de bien joyeux moments.

Comme dans toute maison familiale, la salle à manger gardait le souvenir de grandes tablées, de discussions, de rires,et d'agapes. C'est là qu'on m'a converti au champagne à l'apéritif (celui de monsieur Sauvigner), puis suivant le menu (forcément de fête puisque nous étions réunis), nous avions plaisir à déguster le gewurtzraminer, le macon villages, et le sauternes, avec un minimum de modération. Nous gardons aussi le souvenir de certains plats oubliés par Vonvon et servis quelque peu carbonisés par exemple les célèbres endives à la potemkine.
Vonvon était fière des roses de son jardin, et dans le bois tout proche les jacinthes bleues qui couvraient le sol au printemps faisaient son bonheur.
Johnny était un scientifique "pur et dur", ancien ingénieur, passionné d'astronomie.Nous passions des heures à grelotter pour découvrir les étoiles (et j'essayais de camoufler au mieux mes lacunes pour la partie "technique" de l'observation)
Il avait pensé et dessiné cette maison, mais la fantaisie et le petit grain de folie étaient signés Vonvon.
Peu à peu, les mains de Vonvon se sont mises à trembler...et en peu de temps, Johnny a pris la décision malheureuse de l'exil pour se rapprocher de nous. La maison a été vendue. Vonvon a tremblé de plus en plus, parlé de choses qui n'existaient que dans ses souvenirs, ou dans ses rêves, puis ses gestes se sont ralentis, sa parole s'est raréfiée.Les dernières années de la vie de Vonvon ont été une grande souffrance morale loin de ses repères, et aussi une déchéance physique terrible.
Nous nous efforçons de garder l'image de cette Vonvon coquine et facétieuse, un brin fofolle et futile,et tellement heureuse de savoir "les lits de sa maison pleins de monde".
Johnny, peut être pour cacher sa peine, s'était lancé dans la pèche à la ligne. Il passait la matinée et un bout de l'après midi assis sur le muret qui, au fond de notre jardin, surplombe la rivière. Il était fier de rapporter des gardons et des perches,(un peu fades) que nous nous partagions, puis il repartait le soir dans son appartement en ville. Johnny s'en est allé brutalement, un dimanche,entouré de ses enfants, alors qu'il somnolait après un bon repas dans notre salle télé.
Pendant un an, pratiquement personne de l'Escale, n'a approché du coin où il s'installait pour pécher.C'est juste à côté de cet endroit qu'a poussé et grandi un prunier sauvage. Ce prunier qui se couvre de fleurs aujourd'hui nous l'avons appelé Johnny.


z




19 Mars 2009 , Rédigé par ZigmundPublié dans #souvenirs



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