Rapport Ferrand / Emmanuel Macron / Santé / Ophtalmologie Loi «Croissance et pouvoir d’achat»
Les ophtalmologistes de France, perplexes face aux conclusions controversées du rapport Ferrand, demandent une clarification d’urgence par Matignon
Jean-Bernard Rottier, Président du SNOF :
« Nous remercions Rémi Ferrand de rappeler, dans son rapport, les deux écueils majeurs de l’optométrie : la confusion entre prescription et vente d’une part, et l’absence de formation médicale d’autre part. Dans ces conditions, comment peut-on envisager un seul instant que l’optométrie puisse représenter une solution à l’urgence sanitaire ? »
Le rapport Ferrand sur les professions réglementées contredit les garanties apportées le mois dernier par le gouvernement concernant l’avenir du système de soins oculaires. Le sujet devait être traité au travers du plan de filière de Marisol Touraine, Ministre de la Santé, privilégiant les coopérations entre ophtalmologistes et orthoptistes. Commandé par Matignon seulement 4 jours après l’arbitrage en faveur du Ministère de la Santé, lequel a encore été réaffirmé le 10 octobre par le cabinet Macron à des représentants des ophtalmologistes, le rapport Ferrand entretient l’amalgame entre consommation et santé publique. Préoccupé, le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF) demande à être reçu d’urgence par le Premier Ministre Manuel Valls, afin que ce dernier clarifie la position du gouvernement.
En voulant défendre la création d’une nouvelle profession, le rapport Ferrand pointe, en filigrane, les deux faiblesses majeures de l’optométrie :
- La confusion entre prescription et vente est inhérente au modèle de l’optométriste. Le Dr Jean-Bernard Rottier, président du SNOF, rappelle : « Nous avons pointé cette imposture depuis le début du projet de loi Macron, qui voudrait que l’on confie à des opticiens la possibilité de prescrire eux-mêmes les équipements qu’ils vendent. La survente de lunettes n’apporte rien aux patients ».
- Les optométristes français n’effectuent aucun stage clinique ni ne suivent de formation médicale pour obtenir leur diplôme. Ils sont donc inaptes à réaliser du dépistage de pathologies. « Si l’on veut confier un rôle aux optométristes dans la chaîne de soins, il faudra au moins 3 ans pour refondre leur cursus et attendre que les nouveaux diplômés sortent de l’école. Ensuite il faudra encore 2 ans pour établir des protocoles de délégation supervisés par la HAS et mener les expérimentations de terrain. Cela suppose que les « nouveaux optométristes » ne pourraient être opérationnels qu’au plus tôt en 2020 », indique le Dr. Rottier. « On voit mal comment ces professionnels de santé en devenir pourraient répondre à l’urgence actuelle. D’autant que les écoles d’orthoptie sont déjà à l’œuvre, avec une capacité de formation qui est passée ces dernières années à 300 orthoptistes par an, un chiffre largement suffisant pour répondre aux besoins de délégation de la filière. Pourquoi promouvoir la création conflictuelle d’une nouvelle profession, alors qu’une solution consensuelle et éprouvée existe déjà ? » s’interroge le Dr. Rottier.
En outre, ce rapport ne fait que paraphraser celui de l’Inspection Générale des Finances : il n’apporte aucun élément nouveau, ni projection, ni étude d’impact. Pour l’Académie Française d’Ophtalmologie, le rapport Ferrand fait l’effet d’un texte à trous :
« Ce rapport laisse dans l’ombre des parties importantes du processus de mise en place de la loi Macron, remarque le Dr. Thierry Bour, Secrétaire de l’Académie d’Ophtalmologie. En effet, quelles indications avons-nous sur la manière d’organiser la réingénierie de la formation d’optométriste ? Comment assurer que ces derniers s’installent dans les régions désertées ? Et surtout, que deviendraient les 4 000 orthoptistes de France, si on confie demain leurs attributions aux optométristes ? »
A ce jour, la délégation de tâches à un orthoptiste sous contrôle de l’ophtalmologiste est la seule solution permettant de réduire les délais d’attente tout en garantissant aux Français un parcours de soins sécurisé.
Le Dr. Bour conclut : « Visiblement la santé des Français n’est pas à l’ordre du jour. M. Ferrand ne s’en cache pas : lorsque sont évoqués les objectifs poursuivis par la reconnaissance de l’optométrie, dans l’annexe 3 du rapport, la case « assurer la sécurité sanitaire » n’est pas cochée. Par ailleurs M. Ferrand prétend avoir rencontré les professions concernées et toutes les parties prenantes, or ni le SNOF ni l’AFO n’ont été consultés, ni même contactés. Sur 70 auditions menées, pas un seul représentant des ophtalmologistes. On ne peut construire l’avenir de la filière en faisant fi de l’intérêt supérieur des patients. »