Saloperie de crabe qui vient de t'emporter.
Tu t'es battue avec courage, tu me disais ton espoir dans le nouveau protocole et je voulais oublier la nouvelle méta et y croire.
J'ai du rester avec Pa Zigmund il m'était impossible de me joindre à vous dans cette peine immense.
Alors, pendant que je consultais, je vous imaginais accompagnant ton cercueil vers la tombe proche de celle de ta maman.
Je te revois il y a 3 ans chez mon frère, assise entre tes parents, silencieuse et un peu perdue parmi les gens venus rendre hommage à Ma Zigmund.
Je me souviens de notre rencontre l'an dernier lors du décès de ta maman.
Je me souviens qu'en quelques heures de discussion nous avions comblé les silences des années de séparation.
Je me souviens des Noëls ensemble dans le petit appartement de Vichy avec tous les cousins réunis.
Je me souviens de ton calme contrastant avec l'effervescence étouffante typique de nos réunions familiales.
Je me souviens que j'étais chargé de disposer les bougies sur le gâteau de noël pour ton anniversaire mais que Pa Zigmund refusait qu'on mette aussi les bougies pour lui. Et je me souviens que nous répétions à cette occasion l'adage familial idiot : "chez nous les filles s'appellent Anne et on naît ou on se marie à Noël".(comme Pa et Ma).
Je me souviens de nos sorties dans la ville enneigée et illuminée. Ces noëls hors du temps qui signifiaient nos retrouvailles étaient mes préférés.
Je me souviens que, seule contre tous, dans une réunion publique, tu as refusé de serrer la main d'un élu de droite qui s'était rapproché du borgne facho.
Tu nous as annoncé au printemps dernier que le crabe était revenu, bien plus sérieux qu'avant. Mais tu as su cacher ton désarroi et ta colère devant cette injustice.
Cette pourriture de crabe t'a enlevée à l'affection de ton mari et de tes enfants, de ton père déjà terrassé par son veuvage récent.
Le rabbin qui a récité le kaddish sur ta tombe ne te connaissait pas, sa seule référence était la coïncidence de ton décès avec celui de ta maman selon le calendrier hébraïque. Il n'a pas eu un mot pour ton mari et tes enfants écrasés de chagrin.
Anne, nous avons été séparés par la vie et par conséquent je ne suis pas le mieux placé pour parler de toi.
Tu étais une élève brillante, particulièrement en mathématiques, puis en informatique ; ces compétences n'intéressent pas les religieux bornés surtout quand elles surviennent chez une fille.
Je veux me souvenir de tes cheveux bouclés , de ton regard d'enfant, de tes yeux malicieux et de ton sourire.
Que la terre te soit légère.
Rendez vous dans une autre vie ma cousine.
PS Je vous présente le seul rabbin qui sera admis à approcher de mon cercueil
Madame Delphine Horvilleur
quel bel hommage, Zigmund!
RépondreSupprimermes très sincères condoléances
ce qui m'a choqué d'après le récit de mon frère c'est ce mépris même pas camouflé du rabbin envers ma cousine : c'était qu'une fille (donc aucune allusion à son travail d'informaticienne qu'elle aimait) elle avait épousé un goy (pas l'ombrer d'un mot de consolation pour son mari et ses enfants ) pour ce rabbin elle n'était rien d'autre que la fille de sa mére . Merci Adrienne
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