Contre toute attente la partie d'échecs s'est poursuivie.
Mais elle n'a provoqué que souffrance et Pa va mourir.Aujourd'hui ? demain ? une semaine ?
Nos vies sont mises entre parenthèses pour l'accompagner.
Petit, je croyais mon papa immortel, je ne croyais pas aux voies sans issue ; aujourd'hui encore, je n'arrive pas à croire que Pa va partir que je jetterai de la terre d Algerie sur son cercueil et que son nom sera écrit à côté de celui de Ma sur la pierre tombale.
Pa ne parle déjà plus beaucoup, il a juste trouvé la force de demander à mourir.
Les journées passent finalement assez vite dans cette chambre d'hôpital, rythmées par les quelques visites autorisées, ou par les soins, et par le bruit des tramways au dehors. Et parfois le silence, et toujours ce vilain mur rose qui fait face à Pa avec cette énorme pendule, ce calendrier, la photo de Satelle et ce collage coloré qu'elle a fait pour lui ...
Quand je sors de l'hôpital, je fais un grand tour dans la ville avant de rentrer. Je regarde les gens à la terrasse des cafés, les quais, je redécouvre cette ville qui fut la mienne. L'espace d'un instant, j'imagine que je vais moi aussi m'installer en terrasse et respirer l'air de la ville. Mais je rentre sagement, j'ai pris mes marques dans le grand appartement vide.
Je fais des efforts pour ne pas déranger l'ordre établi, avec cette idée folle que Pa pourrait revenir et pousser une gueulante pour chaque objet que j'ai déplacé, pour la Table que j'ai fait disparaître sous les papiers à classer.
Je m'abrutis devant la télé avec un plateau repas, souvent des sushis.
Je dors peu et mal.
La matinée passe vite : c'est là que je gère l'administratif.
En fin de matinée, je pars pour l'hôpital.
Avant de prendre ma voiture je marque un arrêt dans le jardin proche, et je photographie le même massif de fleurs : les jonquilles venaient juste d'éclore quand Pa est tombé, je les ai vues s'épanouir, magnifiques, de ce jaune éclatant qu'on a vu fleurir sur les ronds points.
et je les ai vues progressivement se faner et se dessécher au fur et à mesure que l'espoir s'amenuisait.
(vidéo mise ici pour le chant seul)
Il y a eu ce jour où j'ai guetté le bruit du chariot dans le couloir de l'hôpital, c'était celui du chariot de l'infirmière, j'ai pensé au film la ligne verte... C'est moi qui ai donné le feu vert... elle a branché 2 nouvelles seringues pour que Pa dorme et ne souffre plus.
Il reste encore un éclat tout doux dans son regard quand il arrive à ouvrir les yeux et qu'il me reconnait. Il n'a même plus la force de serrer ma main dans la sienne.
Je joue les costauds, j'ai enfilé ma "blouse virtuelle de médecin", je trouve la force de consoler les autres et même de plaisanter.
Bientôt cette peur de perdre mon père, très ancienne, sera devenue réalité et remplacée par cette peine immense de l'absence.
je comprends, Zigmund.
RépondreSupprimerBon courage
merci Adrienne bises
SupprimerA te lire me revient la peine de la disparition de ma mère, cela fera un an le 28. J'ai comme toi redouté de la voir s'effacer, et j'ai comme toi, fait des photos de la chambre d'hôpital et pas des photos d'elle, en me disant qu'il fallait qu'elle soit absente des photos afin que je réalise que bientôt elle serait absente de ma vie.
SupprimerC'est fou ce que ça manque, ensuite, même si on sait que la souffrance de la fin était difficile et la fin souhaitable.
Tiens très fort les jonquilles, leur couleur éclatante apportera un peu de soleil à ta tristesse. C'est fou, on est déja triste avant, juste à l'idée.
Je te souhaite bon courage pour ce combat.
Marion
Merci Marion
Supprimerj'ai pris quelques photos de Pa à l'hôpital mais j'ai du mal à les regarder pourtant même malade il restait beau et digne
bon courage à toi aussi
C'est dur de voir s'éteindre doucement nos proches, balançant entre des attentes contradictoires...
RépondreSupprimerJe pense bien à toi, cher Zigmund!
oui Walrus c'est exactement ça que nous avons vécu.
Supprimermerci Walrus