C'est l'automne et le blues est moins grave que d'habitude parce que je n'ai même pas le temps de déprimer.
J'ai pris ma ration de mer et de ciel bleu et j'ai repris le travail avec entrain sinon enthousiasme.
Depuis mon retour de vacances, je suis entraîné dans un tourbillon monstrueux
-l'administratif à régler, et mon travail dont le rythme s'accélère.
Le rangement des affaires de Pa et Ma que nous nous partageons Frère et moi, prend beaucoup de temps et ranime des souvenirs.
Chaque meuble beau ou laid ou simplement pratique a son histoire :
-la psyché de ma grand mère : dès que j'arrivais, je fonçais fouiller ce meuble à la recherche de secrets ; je crois que ma grand mère y cachait exprès des images ou des photos en prévision de mon passage ;
-le buffet en formica de notre première cuisine post exil, la salle à manger moche encombrante et tape à l'oeil qui plaisait tant à Ma et dont personne ne voudra.
- il a fallu se résoudre à mettre en vente quelques objets de valeur qui n'auraient pas trouvé de place chez nous, avec, à chaque fois, cette arrière gout de trahison, cette impression de vendre une part de notre âme.
Tout ce que j'ai choisi de garder encombre maintenant la salle de la Table ; la Table elle même parait presque rangée à côté des cartons qui s'empilent autour d'elle.
J'ai profité des vacances pour trier les dias pos, sous l'oeil sévère de Sat, mon fils aîné (qui me dit son angoisse quand son tour viendra de faire la même chose dans ma maison) ; j'en ai jeté beaucoup de dias pos, toutes celles de paysages, c'était plus facile que de jeter les K7 audio ou vidéo.
J'ai gardé les quelques dias pos où nous sourions bêtement à l'objectif , jeunes et faussement heureux : il y a là les noëls avec mes grands mères, les vacances à la plage, les quelques voyages ...Le tri puis le scann des photos sera plus long et éprouvant.
Ma bibliothèque qui était déjà pleine s'est enrichie de livres que je n'aurai sans doute jamais le temps de lire. Je n'ai pas eu le courage de me séparer du superbe Larousse relié en 10 volumes +1 qui valait une fortune à l'époque et que je feuilletais avec respect.
Et cette coupe en argent ou métal argenté qui appartenait à mon grand père : au départ en exil, il avait pris, dans une minuscule valise quelques vêtements son livre de prières, son tallith et cette coupe dans laquelle il versait le vin du kiddouch le vendredi soir.
Bien sûr beaucoup de choses partent en ressourcerie ou sont données à des amis.
Mais même si nous "avançons ", Frère et moi, nous restons effarés devant l'ampleur de la tâche.
Et je prends conscience de cette perte de valeur des choses, tous ces objets et meubles amoureusement choisis, qui ne nous plaisaient pas forcément mais qui constituaient l'univers de nos parents sont "invendables " même en tentant les sites dédiés sur le Net. (bien sûr nous n'avons pas le temps de jouer à ça ) Vendre certains objets même à un prix dérisoire m'aurait consolé de la perte . J'aurais voulu rencontrer quelqu'un qui aurait dit : "je veux bien ce truc là, il me plait, j'en aurai l'usage".
Il faut que j'avance. Je me suis promis de terminer de ne pas laisser ce capharnaüm à mes fils. Alors j'y passe mon temps libre, j'en rêve la nuit.
Dès que j'aurai fini, dans quelques mois j'espère, je pourrai m'attaquer à l'édition des écrits et conférences de Pa et Ma ... et je pourrai m'arrêter un peu pour réfléchir et réaliser qu'ils ne sont plus là, et que je suis triste, et je pourrai me tourner vers le bout d'avenir qu'il me reste et le consacrer aux vivants moi inclus.
* la version en public de la chanson est vraiment émouvante
celle qui suit est plus "propre sur elle " a moins de saveur mais Alain chante plus juste.
je vois très bien dans quelle "étape" tu es, et avec quels tiraillements...
RépondreSupprimerbon courage, cher Zigmund
j'avoue que je n'étais pas préparé à ça comme si le monde allait s'arrêter avec la mort de Pa Je crois que j'avais occulté cet aspect du deuil...
RépondreSupprimerMerci Adrienne
Tiens ! Tu me rappelles que sur la garde-robe de la deuxième chambre de notre appartement on trouve deux énormes cartons emplis de photos qui en sont à leur deuxième déménagement ;-)
RépondreSupprimerBon courage !
mon rapport aux photos est voisin de mon rapport aux livres : la main au dessus de la poubelle se bloque et je me dis "non c'est pas possible " certaines photos sont numérisées mais je n'ai pas confiance dans ce support . rien n'est éternel ... impermanence et toute cette sorte de choses
RépondreSupprimerCôté livres, c'est (presque ) réglé : j'ai porté moi-même une bonne vingtaine de cartons chez Oxfam. Il ne me reste que deux rayonnages mélangeant bouquins de cuisine, de musique, d'architecture, catalogues d'expos etc...
RépondreSupprimerCôté impermanence, je crains bien d'être moins durable encore que les disques durs actuels :-)
c'est un peu ce que j'essaye de faire pour les livres mais avec un handicap de taille : je n'ai plus la force de descendre les cartons et je dépends de mes garçons qui ont peu de temps.
RépondreSupprimerBon courage Zigmund.
RépondreSupprimerMerci Berthoise je sais nager mais là je me noie plus ou moins devant l'ampleur de la tâche ce qui explique que je délaisse mes amis et blogamis j'espère que tu vas bien bises
RépondreSupprimerMais pourquoi de notre vivant accumule-t-on tant de choses qui partirons sans leur souvenir.
RépondreSupprimer“Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?”
et à 84 automnes je sais de quoi je parle car je trouve toujours un quelques chose de nouveau a aimer ☺
c'est la question que je me pose pour chaque objet que je souhaite garder Il y a les objets utiles ou nécessaires et les "pas nécessaires " qui sont les plus nombreux : je me souviens du moment où il a fallu mettre notre vie et nos objets (mes jouets ) dans des colis de 3kg maxi qui partaient pour la france (on disait "métropole" ) précédant de peu notre exil . J'avais 9 ans je me souviens de chaque jouet laissé derrière moi et de chaque objet qui a pu être "sauvé " comment pourrais je m'en débarrasser aujoud'hui ? mes fils le feront. pour me consoler je me répète que j'ai énormément plus de chance que les réfugiés qui traversent les mers et les frontières pour arriver chez nous.
Supprimerquoi qu'il en soit il y a effectivement toujours de nouveaux objets de livres à aimer et adopter
bienvenue ici