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Cette route je la connais par coeur : le tunnel, l'aire de repos en travaux, le péage, l'hôpital où je travaillais comme infirmier, les serres puis, au loin, la découpe de la ville. J'alterne zapping radio et CD de mes cours d'Anglais.
Le premier flip c'est l'écoute du CD d'Anglais et la prise de conscience de mon niveau si faible : découragement, désespoir, peur de décevoir ceux qui me poussent et croient en moi. Honte de mes faiblesses, refus de mentir sur mes compétences minimes et cette peur qui me prend aux tripes.
Alors, je bascule sur la radio : écouter des niaiseries (ou parfois choper une pépite) pour me changer les idées et là vient cette culpabilité de me détendre alors que je devrais mettre le paquet sur mes cours d'Anglais. Découragement ... C'est plié ... Pour me donner bonne conscience, je m'oblige à répéter à haute voix la présentation en Anglais qui décidera de mon avenir. J'essaye d'y croire, il faut que je sois bon, tout en restant honnête face à mes juges futurs. Et il faut que j'aie d'abord le courage de prendre rendez vous avec eux pour ce premier entretien d'embauche à 60 ans...
Il est midi : j'ouvre la porte de l'appartement et je lance un joyeux "bonjour papa, ça va ?". Il est là, assis dans son fauteuil. J'essaie d'oublier la faiblesse de sa voix, son équilibre précaire quand il se lève (et refuse mon aide) et sa marche à tout petits pas derrière son déambulateur.
Ce dimanche, il souhaite aller au restaurant ; c'est compliqué pour l'accompagner jusqu'à la voiture et encore plus compliqué pour l'installer dans cette voiture pourrie pas du tout adaptée à un papa âgé trahi par ses jambes.
Mais ça lui fait tellement plaisir d'aller dans ce restau où les serveuses le connaissent, lui sourient : il choisit presque toujours les mêmes plats du même menu, (moi aussi d'ailleurs) il est content et je le suis aussi d'avoir réussi à lui faire plaisir même si je frémis à chacun de ses gestes.
Mêmes flips multiples en sens inverse pour le retour.
Il s'installe dans son fauteuil et s'endort devant la télé. Pendant ce temps je contrôle l'intérieur du frigo et je lui mets le couvert pour le dîner, parce que j'ai vu que chaque geste lui est un effort inimaginable.
Je voudrais lui parler de notre vie et surtout le questionner sur ce que j'ignore : la guerre et le lac de Constance, l'Indochine, mon grand père, les membres de la famille perdus de vue.
Il me demande des nouvelles de Satelle ma petite fille, dont les photos sont un peu partout. Je lui dis qu'elle va bien, il ignore que si je la vois peu c'est parce que mon temps se divise entre mon boulot et ma présence à ses côtés.
Le soir venu, je ferme les stores et le monde extérieur s'efface ; je dois déjà partir car je ne suis pas au top pour conduire la nuit...
Angoissé, coupable, je reprends la route en l'abandonnant de nouveau tout seul face à sa peine, face à ses peurs.
Avant de démarrer la voiture, un dernier regard au balcon vide et cette peur glacée qui me ronge en écho...
je comprends, je comprends très bien ces sentiments, mais (hélas?) le temps n'est pas extensible et nous ne pouvons pas non plus nous dédoubler...
RépondreSupprimerbon courage, aussi pour l'anglais :-)
fatalisme sérénité n'estompent pas la peur et la tristesse / pour l'Anglais je respire fort et j'y retourne je découvre (re découvre) les beautés de la langue anglaise ( à trop entendre parler américain on oublie la musique de l'anglais
Supprimeret écouter la BBC, ça ferait pas d'une pierre deux coups?
RépondreSupprimerKyra
la BBC j'avoue que j'ai du mal le programme musical est pas génial récemment suis tombé sur une pièce radiophonique j'ai compris 10% ... Pour bien faire il me faudrait une immersion d' 1 mois dans une famille ne parlant que Anglais (et dans un endroit où personne ne parle Français)
SupprimerZig, j'ai de la famille et des amis en Angleterre, tu veux que je leur demande.
RépondreSupprimerJe comprends pour ton papa, le mien est heureusement parti vite et je mesure la chance d'être à deux pas de ma mère.
Caro merci c'est super sympa comme proposition je te joindrai par mail quand j'aurai eu le courage de programmer mon RDV ça dépend aussi de la santé de mon père je ne veux pas trop m'éloigner pour l'instant
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