Pa Zigmund était bien jeune quand il a enterré son papa. Il avait été choqué de l'absence de cercueil et du linceul blanc déposé à même le trou dans la terre.
En dernier hommage à son père, il avait mis son beau costume quasi neuf. Il n'a pas compris quand le rabbin à la fin de la cérémonie lui a déchiré la poche de son costume il a même failli lui envoyer un coup de poing...
Avant l'enterrement de Ma, j'avais raconté cette histoire à Petit Frère en lui recommandant de ne pas mettre un beau costume et moi même je l'avoue j'avais ressorti un vieux pull et une vieille veste (le genre qu'on garde et qu'on n'arrive pas à jeter). Frère avait suivi mes conseils et fait de même.
Mais le rabbin ce jour là était plus préoccupé par la pluie qui tombait à verse que par la tradition... et il a oublié de déchirer nos vêtements.
(la pluie avait posé un autre problème : personne ou presque n'avait de parapluie , il y en avait deux dans le coffre de ma voiture l'un d'un rouge pétant, l'autre gris qui aurait été plus convenable s'il n'avait été siglé d'un énorme "Sortez couverts !" )
Donc au retour du cimetière, Frère m'a dit " je n'aurais pas du t'écouter, tu te rends compte à cause de toi je me suis mal habillé et finalement le rabbin ne nous a rien déchiré du tout "
Néanmoins, quelques années plus tard, pour Pa nous avions pris tous les deux les mêmes précautions vestimentaires... inutiles, une fois de plus, puisque le rabbin fut remplacé par un ami certes très religieux mais capable de comprendre que notre hommage à notre père pouvait s'arrêter à la récitation du kaddish et que notre peine n'en était pas moins sincère.
Hier j'ai discuté de cette coutume avec une ancienne patiente fan de Delphine Horvilleur. Dans mon souvenir ça faisait écho aux textes bibliques où les endeuillés déchirent leurs vêtements se couvrent de terre (je manque de temps pour rechercher les sources exactes) j'avais toujours trouvé ça théâtral et limite mauvais goût. Delphine Horvilleur explique que perdre un proche et particulièrement son père ou sa mère, est une déchirure que l'on porte à jamais, irréparable.
Même si nos vêtements n'ont pas subi le coup de ciseaux du rabbin, Frère et moi sommes orphelins et la plaie ne se refermera pas. Nous vivons avec cette déchirure.
je comprends la déchirure mais je préfère qu'on ne la théâtralise pas, même pas avec mes vêtements de jardinage, j'ai besoin de mes poches pour y mettre les mouchoirs ;-)
RépondreSupprimerbises, Zigmund
oui tu as raison la theatralisation me semble nuire en qq sorte à la sincérité t'es là scotché comme un robot tu es en train d'enterrer ton père et t'as un gars qui vient couper ton costume pour te rappeler que tu es triste ... au cas où tu l'aurais oublié :-)
Supprimerbises Adrienne
Si l'expression de la douleur est de se déchirer les vêtements et se couvrir la tête de cendres, comme il me semble l'avoir rencontré dans certains passages de l'ancien testament aux temps lointains où je l'ai lu, je ne vois pas en quoi l'intervention du rabbin est nécessaire, on n'est jamais mieux servi que par soi-même, n'est-il pas ?
RépondreSupprimerAmitiés cher Zigmund.
oui walrus c'est bien ça ; le rabbin n'a pas " l'autorité " d'un curé par contre dans une petite communauté (comme une communauté juive) intervient le regard des autres "tu te rends compte on lui a pas déchiré sa poche !"
Supprimeril y a aussi la coutume de manger une ou des olives (je n'ai pas eu le temps de chercher pourquoi) forte de cette information ma belle soeur avait apporté des olives au cimetière mais nous n'y avons pas touché Je veux bien manger des olives ou un oeuf devant la tombe de mes parents mais c'est bien qu'on m'explique avant .
même si nous avons bousculé la tradition notre peine était bien réelle et nos parents nous manquent à jamais Amicalement à toi Walrus
C'est drôle la façon de voir la mort. Quand mon père est mort, nous étions tristes. Et puis nous nous sommes réunis, nous avons ri, nous avons évoqué les sourires et quelque chose s'est allégé.
RépondreSupprimerC'est compliqué la mort ; j'aimerais que les miens dansent parce que j'ai aimé la vie. Qui sait si je n'aimerai pas la mort cette inconnue...
Nous aussi nous nous sommes réunis et même avons un peu ri, et j'aurais voulu avoir le temps de me retrouver seul pour pleurer mais il y avait tant à faire ; dans ma pratique de médecin je voyais mes patients vieillir et mourir mais je refusais l'idée que ça arrive à mes parents, j'ai passé beaucoup d'années à craindre le coup de fil qui m'annoncerait le décès de l'un ou de l'autre.
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