Il se trouve que même quand je suis hors de mon cabinet, j'y travaille autant, par exemple, il y a longtemps que j'ai renoncé à traverser ma ville à pied.
La Table se remplit et ne se vide plus : le courrier est en retard et je ne cherche plus à y mettre bon ordre, les chèques attendent d'aller chez le banquier, seules les factures sont immédiatement honorées.
Parti vers d'autres aventures, j'ai découvert le point final de mon ami Genou des Alpages et je n'ai pu le lire tranquillement que quelques heures après.
Ce post, outre la tristesse de voir s'éloigner un ami, ouvre chez moi une blessure que j'imaginais maitrisée.
Depuis longtemps, j'attendais que quelqu'un écrive ce type de billet qui fait bien mal partout.
Je le vois comme un constat d'échec et comme un écho à mon propre échec et à ma motivation en chute libre.
"On peut certes, se dire que l'on est dans la m...au même titre que la plupart des français qui peinent à boucler leur budget, mais lorsque le manque de moyens commence à peser sur la qualité des soins produite, lorsque, quelles que soient les hypothèses de développement du système sanitaire, l'avenir parait sans issue, le sentiment intime de faillite personnelle est difficile à éviter. On doit se rendre à l'évidence : Cette pratique de la médecine générale telle que j'ai cru pouvoir la développer, est vouée à l'échec dans les conditions actuelles.
Ou plus exactement et plus honnêtement : moi-même, je n'y suis pas arrivé. Ce qui ne signifie peut-être pas que d'autres n'y arriveront pas...
Plus encore que l'indigence du niveau des honoraires médicaux et les difficultés financières afférentes, les insultes, le mépris, la haine que les décideurs, les caisses, la presse, les administrations développent à l'égard du médecin libéral que je suis ont fini par saper ma motivation(...)Peut-être est-il préférable de ne plus chercher à faire valoir un modèle que le pays ne souhaite pas, même si l'on est persuadé de sa validité. On n'a pas raison contre la majorité"
Je lis et relis Genou et je m'en veux de n'avoir pas eu le même courage de déplaquer, de partir en ville, ou de passer les examens pour devenir PH temps plein.
Genou me montre que je vais vivre les prochaines années enchainé à ma lampe à fente, sous les reproches de mes patients et de mes confrères à la moindre absence, même si c'est pour un congrès.
Le : "vous étiez en vacances ?" avec un faux sourire complice, me fait voir rouge).
Mon emploi du temps est probablement plus léger que celui d'un MG ; nul médecin n'est indispensable et un ophtalmo sans doute encore moins (puisqu'il n'intervient qu'exceptionnellement sur des urgences vitales), mais, tant qu'il me restera 2 yeux pour examiner mes patients, deux mains pour manipuler les verres (et aussi un morceau de cerveau), il se trouvera toujours quelqu'un pour me reprocher de ne pas être dans mon cabinet à consulter.
Je me trouve face à ce paradoxe effroyable d'être toujours aussi fou amoureux de mon métier, d'être insatiable quant aux enseignements, et de partir chaque jour au travail en trainant les pieds (vers ma voiture, puisque la marche à pied est exclue).Le : "vous étiez en vacances ?" avec un faux sourire complice, me fait voir rouge).
Mon emploi du temps est probablement plus léger que celui d'un MG ; nul médecin n'est indispensable et un ophtalmo sans doute encore moins (puisqu'il n'intervient qu'exceptionnellement sur des urgences vitales), mais, tant qu'il me restera 2 yeux pour examiner mes patients, deux mains pour manipuler les verres (et aussi un morceau de cerveau), il se trouvera toujours quelqu'un pour me reprocher de ne pas être dans mon cabinet à consulter.
Récemment, j'ai failli virer tous les patients de ma salle d'attente parce qu'un diabétique avait osé me demander poliment de lui appliquer le tiers payant me citant en exemple son vertueux MG et son cardiologue. Il n'avait pas de problèmes d'argent, il a d'ailleurs refusé ma proposition d'encaissement différé des 40€ sans dépassement de la consultation, juste "il y avait droit".
Je me suis dit que si j'avais pu demander 60 ou 80€ pour cette consultation il n'aurait jamais osé ...
Je sais me maitriser mais j'avoue avoir eu ce flash : je les virais tous sans pitié à coups de pied aux fesses et sans explications.
DEHORS ! CASSEZ VOUS !
J'envoie la #BaguetteNantis machinalement tous les jours : ça ne sert pas à grand chose, j'en suis bien conscient, malgré les amis qui la diffusent fidèlement à ma suite sur les réseaux sociaux.
L'UFML est un espoir, le seul à mon avis, mais nous sommes encore si peu nombreux, si individualistes, si divisés.
A titre personnel, je me suis bien sûr posé la question du burn out : je l'ai évacué d'un revers de main, je suis peut être un nanti, (à vous de juger) mais je n'ai pas les moyens de faire un burn out ... alors si vous le voulez bien, on oublie !...
Et puis j'ai regardé ces publications du SNOF qui concernent les avancées de la chirurgie de la cataracte, les retombées économiques de cette chirurgie et les honoraires des ophtalmos S1
et je pose deux questions :
1/ faut il que la cotation de la cataracte baisse pour que les chirurgiens prennent conscience que la stagnation de nos honoraires est une régression ?
2/ les ophtalmologistes S1 seraient pénalisés (sans blague !!!) ... dans ces conditions, et vu que je suis une brèle en stats, est ce qu'on peut me dire si les stats qui donnent des honoraires croissants pour les ophtalmologistes sont fausses ou est ce que les S2 " enrichissent" les stats ?
Je me sens vieux et fatigué ...quand je serai vraiment vieux et malade, j'aurai droit à une médecine qui ressemblera à ça :
Oui Genou tu as raison de sauver ta peau et celle de ta famille, méprise ceux qui te traiteront de lâche, ou qui parleront d'abandon. C'est l'inverse : nous avons été abandonnés lâchés par ceux qui auraient du nous défendre, méprisés par les ministres voire par nos confrères heureux de leur sort, et insultés par les journalistes et bientôt par nos patients .
J'enrage d'être incapable ou trop vieux pour faire pareil.
Je te souhaite une longue et belle route, l'ami.
Pour finir sur une note plus gaie, et pour vous rassurer sur mon état mental, outre un entourage familial (et amical) harmonieux, il y a cette petite chose sans nom qui vient partager le territoire de Zigmund-chat et vadrouille joyeusement sur mon clavier.
Pour finir sur une note plus gaie, et pour vous rassurer sur mon état mental, outre un entourage familial (et amical) harmonieux, il y a cette petite chose sans nom qui vient partager le territoire de Zigmund-chat et vadrouille joyeusement sur mon clavier.