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Parfois certains confrères me racontent leur vécu d'ophtalmos en  mail privé.

L'un des derniers reçus raconte un mini stage.
Je pourrais tenter de vous  transmettre ce mail à la manière de "Alors Voilà" : "l'histoire c'est S, l'écriture c'est moi".


 Sabine, ophtalmo médicale installée depuis longtemps, va bientôt souffler ses soixante bougies. 
Or  Lisbeth, jeune  médecin anglais, lui demande l'autorisation de faire un stage de quelques semaines pour découvrir l'ophtalmologie en France et améliorer ses connaissances dans la langue de Molière.
Sabine accepte, bien sûr. 
Lisbeth, qui vient de passer un équivalent ECN, dit se destiner à la pédiatrie ou à l'endocrinologie et elle s'est offert un bel ophtalmoscope, celui là même que n'utilisent presque plus les ophtalmos.(parce que la vision en relief à la loupe à la lampe à fente c'est mieux).

Alors voilà, le stage se passe bien, Lisbeth comprend vite, est avide de savoir. Sabine, se souvenant de ses débuts où il fallait supplier pour s'asseoir derrière une lampe à fente, (et comprendre ce que l'ophtalmo voyait ) prend le temps de laisser sa place et d'expliquer ce qu'il y a à voir :  cataracte, DMLA, glaucome.

Les malades acceptent de bonne grâce ce double examen et certains disent à Lisbeth qu'ils sont prêts à l'adopter si elle devient ophtalmo.
Sabine enseigne le déroulement d'une consultation du "Kevin"à la "Léontine". Elle lui justifie l'intérêt de médicaliser les lunettes, de ne pas donner cette partie rapide de la consultation à des opto....tristes, comme dans son pays. Elle lui explique  le dogme 10/10 ou un diagnostic.
Elle parle de l'importance du dépistage du glaucome, de la surveillance de la DMLA, de l'accompagnement  pour décider d'opérer une cataracte ou une membrane épirétinienne. 
Elle lui montre comment on fait une skiascopie, comment on enlève un corps étranger cornéen ou sous palpébral. 
Elle lui montre aussi que même pour 28 € on peut passer parfois 20 mn à écouter une vieille dame qui pleure son mari récemment décédé et que cette écoute n'est pas réservée qu'aux médecins généralistes. 
Lisbeth teste le champ visuel, et malgré les réponses rapides de ses jeunes neurones prend 4 mn pour réaliser 1 oeil au central 10-2 ce qui montre bien la patience nécessaire pour exécuter  cet examen.
Comme Sabine en son jeune temps, elle s'amuse à réaliser le test aux couleurs de Lanthony qui détecte les dyschromatopsies rouge vert (plutôt attribuées au nerf optique) ou bleu jaune (plutôt attribuées à la rétine).

 Lisbeth  réussit parfois à voir le fond d'oeil en relief dans la loupe,

ou un angle irido cornéen : elle s'écrie alors  "waouhh !" avec un beau sourire.

Alors voilà ...vient le moment de la séparation : Lisbeth  prend des photos, remercie, dit qu'elle est heureuse d'avoir découvert l'ophtalmologie...
Et Sabine, triste et  émue, répond que non, c'est à elle de remercier :
 -parce qu'elle a pu montrer que l'ophtalmologie c'est autre chose que les lunettes même si ça commence par là, 
-parce qu'elle a pu transmettre à une jeune consoeur un peu de son métier, 
-parce qu'elle sait que tout ceci va disparaître dans quelques années quand il y aura surtout  des chirurgiens ophtalmos et presque plus de médecins ophtalmos.
-parce que Lisbeth devient en quelque sorte dépositaire d'un petit morceau d'histoire de l'ophtalmologie française

 Elle espère que Lisbeth n'oubliera pas, et qu'elle dira un jour lointain à un jeune confrère ce qu'elle a vu et vécu ici.

Alors voilà...

  

 extrait du Serment d'Hippocrate 
"respectueux et reconnaissant envers mes Maitres je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leur père"