Le souvenir de mes années d'externat s'estompait doucement, j'essayais d'oublier l'année d"'internat-"va
chercher"-internement "dans un hôpital local étouffant "tout en petitesses".
Enfin libre !
Ont passé à toute vitesse quatre années passionnantes , lumineuses, dans l'ombre de King Arthur, mon patron et de tous ceux qui m'ont enseigné mon métier d'ophtalmologiste.
Amoureux fou de cette spécialité que j'avais choisie (après avoir hésité avec la psychiatrie) et avide d'apprendre, je buvais les paroles de mes enseignants.
Amoureux fou de cette spécialité que j'avais choisie (après avoir hésité avec la psychiatrie) et avide d'apprendre, je buvais les paroles de mes enseignants.
Je consultais tous les jours avec ou sans "senior" *, j'assurais avec les internes et les CES** les gardes
d'urgence en ophtalmologie. Je ne me souviens plus à quel rythme avaient lieu nos cours théoriques, mais je me souviens que la plupart étaient clairs et pratiques sans être simplistes.(Rien à
voir avec les cours dispensés de la 4 ème à la 6 ème année par des enseignants hospitaliers parfaitement déconnectés de la réalité et n'ayant aucune idée de ce qu'était la médecine de
ville.
Vers la fin de ces quatre ans, j'ai passé ma thèse puis réussi l'examen national d'ophtalmologie et j'ai vissé ma plaque à Bled-la-forêt.
Vers la fin de ces quatre ans, j'ai passé ma thèse puis réussi l'examen national d'ophtalmologie et j'ai vissé ma plaque à Bled-la-forêt.
Le but de cette longue intro est simplement de rappeler qu'un ophtalmo c'est un médecin. Nous
sommes plusieurs à pouvoir citer des anecdotes qui montrent que cette notion n'est pas parfaitement intégrée par la population, ou même parfois par nos propres confrères qui n'ont qu'une
vague idée de l'urgence en ophtalmologie.
Croyez bien qu'il est fréquent et pénible de voir un patient vous tendre ses lunettes hors d'âge et déglinguées en
vous demandant si vous y pouvez quelque chose. (un coup de clé de douze peut être ?)
Croyez bien que ça agace d'entendre le patient muni de son ordonnance lunettes s'exclamer : "mince vous avez pris trop de temps pour m'examiner, maintenant l'ophtalmo va être fermé"
Croyez bien que ça agace d'entendre le patient muni de son ordonnance lunettes s'exclamer : "mince vous avez pris trop de temps pour m'examiner, maintenant l'ophtalmo va être fermé"
(eh oui le marchand de lunettes c'est à dire l'opticien ferme son magasin à 12h30 et n'accepte pas les urgences, lui )
Et ceux qui vous demandent quel BEP il faut pour devenir ophtalmo et qui tombent des nues quand vous expliquez le
parcours du combattant (et encore le mien fut plus bien plus "soft" qu'aujourd'hui)
Et ils ajoutent "faut tout ça pour faire des lunettes ???"
Et ils ajoutent "faut tout ça pour faire des lunettes ???"
J'ai, dès le début , aimé "faire des lunettes" ce que nous appelons la réfraction.
Actuellement cette partie de l'examen est une pomme de discorde entre les trois "O".
Les opticiens (= marchands de lunettes) qui savent faire mais ont forcément une arrière pensée plus commerciale que
médicale.
Leur nombre croit approximativement de façon inversement proportionnelle au nombre des ophtalmologistes.
Leur nombre croit approximativement de façon inversement proportionnelle au nombre des ophtalmologistes.
Les orthoptistes au départ formés pour la strabologie et la rééducation des insuffisances de convergence. Ils assurent également une part de la prise en charge de la basse vision et depuis quelques années sont formés à la réfraction pour pallier la pénurie d'ophtalmologistes .
Bien des médecins ont oublié que nous avons usé nos fonds de culotte sur les bancs des mêmes facultés de médecine, et sous
prétexte que nous intervenons rarement sur des urgences vitales, nous prennent pour des rigolos.
Dans ma pratique je fais peu de lunettes,je dépiste et traite (ou fais traiter) des glaucomes, des cataractes, des
DMLA, des décollements de rétine. Certaines de ces pathologies cachent des choses beaucoup plus graves.(que je ne développerai pas car ce blog est lu par des non
médecins prompts à s'angoisser).
Les politiques nous renvoient plus de mépris que de reconnaissance : je n'oublie pas cet ex ministre ex socialiste mimant une réfraction en
quelques secondes (mieux ou moins bien avec ce verre ?) et résumant le travail de l'ophtalmologiste à cette brève étape.
Je me souviens d'avoir du envoyer plusieurs lettres pour enfin apparaître sur le listing des services d'urgences de ma
ville avec mon titre de "Docteur" et non "Monsieur" alors que mes confrères généralistes, biologistes, dentistes et vétérinaires avaient droit au titre.
Je dois avouer après avoir lu l'intéressant article de mon confrère Martin Wincker sur les "médecins maltraitants" qu'il m'arrive de regretter de ne pas basculer du côté obscur du pouvoir, de ne pas savoir jouer au médecin méprisant ou muet, de ne pas dire des horreurs tentantes : "c'est moi qui sais et tu fais comme je dis parce que c'est moi le toubib".
Nous apparaissons souvent comme des « médecins maltraitants » au moment de la réfraction, quand nous exigeons que le patient lise ou choisisse entre deux verres ; préféreriez vous que je tire à pile ou face ce verre qui va vous coûter un max ? Nous cherchons votre concentration et, pendant ces quelques minutes , nous avons besoin de votre docilité. Dites vous bien qu'un commerçant sera plus expéditif, c'est son intérêt. Le mien est de trouver le meilleur verre pour vous comme si j'allais le payer moi même et de passer rapidement à la partie strictement médicale de l'examen.
(une réfraction dure le temps d'une prise de TA et d'une auscultation cardiaque de dépistage.).
Suis-je un médecin maltraitant (je suis mon propre médecin traitant :-)) alors que je dis "s'il vous plaît" quand je vous effleure l'épaule pour vous installer à mes appareils ? Suis je un médecin maltraitant quand je vous gronde en rigolant quand vous remuez trop derrière mes appareils ?
Suis-je un médecin maltraitant ? quand, du fait de la pénurie d'ophtalmologistes, je refuse de vous donner un rendez vous immédiat pour des lunettes cassées depuis longtemps, pour une surveillance jusque là insuffisante, ou pour un deuxième avis ?
Mais revenons à la question principale : chers (encore) confrères qui passeriez par là, me considérez vous comme l'un des vôtres ou comme un lunettologue ?
Je dois avouer après avoir lu l'intéressant article de mon confrère Martin Wincker sur les "médecins maltraitants" qu'il m'arrive de regretter de ne pas basculer du côté obscur du pouvoir, de ne pas savoir jouer au médecin méprisant ou muet, de ne pas dire des horreurs tentantes : "c'est moi qui sais et tu fais comme je dis parce que c'est moi le toubib".
Nous apparaissons souvent comme des « médecins maltraitants » au moment de la réfraction, quand nous exigeons que le patient lise ou choisisse entre deux verres ; préféreriez vous que je tire à pile ou face ce verre qui va vous coûter un max ? Nous cherchons votre concentration et, pendant ces quelques minutes , nous avons besoin de votre docilité. Dites vous bien qu'un commerçant sera plus expéditif, c'est son intérêt. Le mien est de trouver le meilleur verre pour vous comme si j'allais le payer moi même et de passer rapidement à la partie strictement médicale de l'examen.
(une réfraction dure le temps d'une prise de TA et d'une auscultation cardiaque de dépistage.).
Suis-je un médecin maltraitant (je suis mon propre médecin traitant :-)) alors que je dis "s'il vous plaît" quand je vous effleure l'épaule pour vous installer à mes appareils ? Suis je un médecin maltraitant quand je vous gronde en rigolant quand vous remuez trop derrière mes appareils ?
Suis-je un médecin maltraitant ? quand, du fait de la pénurie d'ophtalmologistes, je refuse de vous donner un rendez vous immédiat pour des lunettes cassées depuis longtemps, pour une surveillance jusque là insuffisante, ou pour un deuxième avis ?
Mais revenons à la question principale : chers (encore) confrères qui passeriez par là, me considérez vous comme l'un des vôtres ou comme un lunettologue ?
* un senior c'est un chef ou un interne "ancien" qui vous surveille à l'hôpital et à qui nous montrions les patients difficiles
** CES certificat d'études spécialisées : se faisait après la dernière année de médecine en 3 à 5 ans et permettait après passage d'examens de valider une spécialité
médicale.