Le billet de François Morel: C'est pour qui la... par franceinter
Merci à François Morel pour ce billet (et pour tous les autres).
lettre ouverte de Titi Robin
" Permettez-moi de prendre la parole d’une manière personnelle.
Je suis né dans un village angevin où on élevait (comme
toujours aujourd’hui) des vignes pour élaborer un vin moelleux,
généreux, destiné au partage, à l’accueil des visiteurs, aux
célébrations familiales. J’ai reçu dans ce village une
éducation traditionnelle, riche, que je porte avec fierté, qui
m’a permis de voyager et de rencontrer de par le monde des
hommes et des femmes avec leurs propres bagages
culturels. Nous avons échangé, et ainsi je me suis construit,
j’ai grandi, mariant mes racines à celles rencontrées. Comme je
savais d’où je venais, je retrouvais toujours ma route. Durant
toutes ces années, je suis toujours resté fidèle à ma région.
Je l’aime.
Aujourd’hui, je suis blessé, humilié, et en colère. Les paroles
et gestes d’une enfant d’une douzaine d’années et d’un notable
expérimenté auraient-ils souillé l’air ? Ou bien est ce
le silence et l’apathie qui ont suivi ces événements qui me
troublent ? De France et de l’étranger me parviennent des
messages : « Que se passe-t-il chez vous ? Pourquoi les gens
sont-ils devenus ainsi, en Anjou ? » Dans les rues d’Angers, des gens évoquent leur gêne ou leur honte à voix basse. Je ne pense pourtant pas que nous ayons changé. La lâcheté ou tout au
moins le manque de clairvoyance de nos dirigeants (de gauche)
comme de leurs collègues dans l’opposition (de droite)
encourage certains intellectuels, certains médias et des gens
de pouvoir à développer dans le pays une atmosphère
profondément malsaine. Il y a là quelque chose de pathologique,
la crise encourageant le repli sur soi.
Du coup, cette minorité dans notre société qui a porté et
portera toujours en son sein des idées empoisonnées se sent
soudain libre de les exprimer au grand air. Notre pays avait
connu ce phénomène il y a longtemps. Il y a aujourd’hui comme
un relâchement moral nauséabond. Et puis voilà : Une fillette
de douze ans peut traiter comme un animal, en rigolant, en
l’insultant, devant le public, la presse, et ses parents ravis,
une femme d’une grande culture intellectuelle et morale,
représentante du gouvernement, car l’enfant a la peau blanche
et la femme la peau noire. Un notable d’une ville de la région
ironise autour de l’extermination pendant la deuxième guerre
mondiale des ancêtres d’une partie, minoritaire, de sa
population (qu’on appellera ici Gens du voyage) et se
félicite aujourd’hui de les chasser de son territoire.
Ces événements sont mis en lumière car ils concernent des
personnages publics. Nous devons savoir qu’ils correspondent à
la face émergée du problème. Cela signifie que bien d’autres
personnes souffrent en silence. Si notre corps social est
endormi, affaibli, il importe de réveiller ses anticorps. Il
importe aussi de parler fort. Ayons confiance en nos forces,
nous devons pouvoir continuer à être fiers de qui nous sommes,
de nos racines comme de notre hospitalité, qui vont de pair. »
Thierry ROBIN