samedi 22 février 2014

on va dire

On va dire que ça va ...
J'ai posé la valise qui ne me quittait plus depuis 2 mois. J'ai immédiatement voulu descendre dans la serre, voir de la lumière, voir les orchidées. 

 



J'ai regardé ce phalénopsis blanc  que nous avions pris en hospitalisation, et qui était prêt à retourner dans le salon de Pa et Ma.  
J'ai raconté aux Escalators la longue marche avec Pa pour aller se recueillir sur la tombe de Ma, parce que la grille d'accès aux voitures est fermée le dimanche.
Puis j'ai repris le travail, mécaniquement, sans entrain, j'ai retrouvé mes gestes  mes automatismes et mes manies.
J'ai regardé d'un oeil indifférent  Zigmund -chat affalé sur les papiers qui jonchaient la Table et je n'ai pas eu la force ou l'envie de le déloger.
J'ai encore  remis à "plus tard, un jour, peut être" ce qui était déjà urgent il y a 2 mois. Cette Table n'arrive même plus à me faire rire, ce n'est pas bon signe. 
Tout ça : les inscriptions aux congrès, les billets de trains, les réponses aux organismes de formation, les courriers aux chers confrères, les remises de chèques à la banque... quelle importance à côté de la disparition de Ma, du désespoir de Pa et de notre chagrin ?
On va dire que ça va, parce que j'ai repris mes activités, mes loisirs, même si je me suis endormi au milieu d'une leçon de musique.
On va dire que ça va ... je continue à me vider la tête avec les sucreries de c*ndy cr*sh saga,  je trouve ça nul et je continue en me disant qu'il vaut mieux ça que des antidépresseurs, de l'alcool ou de l'herbe qui colore la vie.
On va dire que ça va... la peine efface les souvenirs  de colère.
Machinalement j'envoie la #baguette des #nantis tous les jours et au moment où je l'envoie, une sourde haine m'envahit comme depuis 18 mois, mêlée maintenant à une sensation nouvelle d'inutilité. 
On va dire que ça va ... je cherche dans les photos de Ma, une où elle ne serait pas trop malade et où elle sourirait. J'ai renoncé à en chercher une d'elle et moi. C'est difficile de remuer ces souvenirs. J'aurais du me mettre à la compta et à ma déclaration de revenus, mais je crois que ce tri dans les photos puis l'envoi de certaines choisies nous aidera.
Dehors, le prunier nommé Johnny commence à fleurir. 


-(merci à tous pour vos messages de soutien, j'espère bientôt être capable d'écrire des choses plus gaies... peut être quand j'aurai fini ma 2035 !) 


samedi 15 février 2014

tout ; tout de suite

 Aujourd'hui, je ne suis pas en état de conduire sur la route du cimetière.
C'est Gabrielle qui nous emmène dans la voiture sous la pluie.
Pour rester en contact avec les autres voitures (et surtout celle qui a pris en charge Pa) mon portable est encore branché.
Or il est connu que tout portable branché risque de sonner...Donc le mien sonne alors que nous arrivons en vue du cimetière, et donc je décroche, bien que le n° affiché me soit inconnu... Il s'agit d'une patiente, si elle a mon n° de portable c'est parce qu'elle présente un risque.
Mais aujourd'hui c'est juste pas possible, je suis loin,  et  elle ne peut pas plus mal tomber ; j'attends qu'elle reprenne son souffle entre deux phrases pour l'interrompre : " excusez moi mais là, je suis en route pour aller enterrer ma mère, je vous verrai  à mon retour dans 5 jours si personne ne peut vous prendre en charge d'ici là..." elle s'excuse rapidement ... puis reprend la liste de ses symptômes : (urgence relative sans gravité).
 J'arrive enfin à caser un peu plus sèchement avant de raccrocher, qu'il s'agit probablement d'une conjonctivite épidémique, qu'elle  doit joindre son  médecin traitant qui lui prescrira un collyre ou l'adressera à un ophtalmo, et que là, c'est juste pas possible parce que là, on arrive au cimetière ! 
Je crois que j'ai mal éduqué mes patients ! 
  

mardi 11 février 2014

Kaddish

 Je suis seul dans la chambre de Ma
Malgré une petite amélioration clinique, l’angoisse, la sienne, et par conséquent celle de Pa est à son maximum.
Je regarde dormir ma maman,  elle ne semble pas sentir ma présence. Je renonce à la réveiller, je sais qu’ils l’ont « shootée » parce que  ses crises d’angoisse nocturne sont  dangereuses et difficiles à gérer.
Je pense à cette galette des rois que j'avais achetée  pour apporter à la clinique, et comment la simple question de la vendeuse "je vous mets une couronne ?" a failli me faire fondre en larmes.  
Je me prends à espérer qu’elle se réveille  doucement, sans s’agiter, qu'elle me regarde un moment et dise avec un faible sourire : « tu étais là mon fils ? »  
Mais non, elle ne m'entend pas lui murmurer que sa peur aggrave les choses, que papa reparti sans qu'elle se réveille reviendra demain, que tout le monde fait le maximum pour qu'elle guérisse, et  surtout que je l'aime. 

Ma salle d'attente est pleine, j'ai une bonne demi heure de retard. La secrétaire et l'orthoptiste sont parties.La voix d'une infirmière passe le barrage du répondeur : Ma s'est éteinte cet après midi dans son sommeil sa main dans celle de Pa. Ce sont les infirmières qui lui ont dit, il ne s'en était pas rendu compte.
J'ai rappelé ma secrétaire  pour qu'elle annule les consultations de la soirée et de la semaine, et mes fils ont géré les coups de fil à passer, pendant que je terminais mes consultations.
Puis nous avons pris la route pour aller soutenir Pa. 
Ce soir, au milieu de ma peine,  la vision de Maman malade s'efface doucement, progressivement remplacée par les images de la mère aimante de mon enfance.
Les mots manquent  pour exprimer ma peine.
   


vendredi 7 février 2014

vendu, nanti et en colère



C'est un  soir, lors  d'une  réunion d'ophtalmologistes organisée par un labo, dans un des  restaurants de Grandeville. 
Nous sommes assez peu nombreux, nous nous connaissons tous, et les rapports  sans être "bisounours-style " sont bons dans l'ensemble.

dimanche 2 février 2014

long fleuve pas tranquille

Aux semaines de travail  pleines,  succèdent les week end près de Pa et Ma Zigmund.
Ma ne va pas vraiment mieux, et ce n'est pas une malade facile. (version politiquement correcte).

vendredi 24 janvier 2014

loi conso : dernière ligne droite - révision pour les nuls


Nous allons reparler de  la  #loiconso  celle là même qui fait la fierté de  Benoit Hamon lors de ses passages à la radio,  celle qui nous apparaît comme un tissu d'âneries dont certaines sont  vraiment dangereuses pour la  santé oculaire des citoyens.

vendredi 17 janvier 2014

invitation aux voyages

Dis moi Ma, il parait que tu arrives à te lever un peu ... déjà quelques mètres avec un déambulateur c'est un  petit mieux, un peu d'espoir.
Dis Ma, que dirais tu si je t'emmenais en ballade ? Pa vient avec nous s'il le veut ...
La Mongolie, les grands espaces ? ce voyage je l'ai fait par procuration il y a plus de cinq ans .  

Ou alors  l'Océan ?  tu  me diras qu'il fait si froid 
et que le seul bleu que tu aimes est celui de la Méditerranée...Je ne peux pas t'offrir celui là ... ou incomplètement 

 On peut se placer d'un point de vue différent pour voir la Méditerranée :




Et un  petit tour  à Kew garden après un  passage éclair à Shanghai  pour une éclipse  cachée derrière les nuages ?



 Je te laisse te reposer un peu ... je reviendrai avec d'autres paysages.
Une petite vidéo ça te dit ? 
-




mardi 7 janvier 2014

le collectif de mars c'est maintenant




        Vous souvenez-vous que le 2 décembre certains médecins étaient  en grève ?
Remarquez- vous que ces mêmes médecins et quelques autres ont stoppé toute télétransmission le mardi ? (pardon les arbres !)
Avez-vous entendu parler  de la semaine blanche du 17 au 24 mars ?

-Oui ?  =>tant mieux … Et un grand merci à ceux qui relaient  nos messages sur les réseaux sociaux.

-Non ? =>Nous ne sommes pas assez visibles dans les médias qui saturent un brin sur les bonnets de toutes couleurs et les volatiles de tout poil.
 Rien sur les ondes ou à la télé sur ces actions : c'est silence radio.

Ce qui suit est mon interprétation perso simplifiée du collectif de Mars ; la version officielle se trouve ici sur le site de l’UFML.
Le collectif de mars qui réunit médecins et soignants de tous horizons  s'élève  : 
- contre des honoraires S1 non réévalués depuis plus de 10 ans et la désinformation soigneusement  entretenue par mst,* les médias, les mutuelles qui mettent depuis plus d'un an dans le même panier  quelques gros « dépasseurs » célèbres et les médecins S2 qui ont eu le droit de fixer librement leurs honoraires avec tact et mesure et de les réévaluer progressivement pour faire face à l'augmentation de leurs charges. 

-contre le contrat d'accès aux soins qui cherche à enchaîner les médecins secteur 2 dans des honoraires à peine  moins minables que ceux des secteurs 1.

- contre les insultes des assureurs qu'on nomme "mutuelles" 
- contre les amalgames : dépassement d'honoraires=lunettes, dépassement d'honoraires = prothèses dentaires.
(tiens,  ils n'ont pas encore pensé à accuser de dépassement les ORL pour le prix des prothèses auditives ?) 


     http://www.dailymotion.com/playlist/x1udkj_ucdf_depassements-honoraires/1#video=x15bd

 - contre une ministre de la santé déconnectée de la réalité et contre les syndicats médicaux horizontaux (les bien nommés) qui ont livré  la médecine libérale à la finance et sont prêts à nuire encore plus avec le tiers payant généralisé.



 

Sans doute sommes-nous trop peu nombreux, trop calmes, trop polis, trop prudents (normal, nous sommes médecins).


 Sans doute les médias ont mieux à faire que de s'occuper de ces "nantis" qui tentent d'alerter l'opinion, ils oublient que ce sont ces "nantis corporatistes" qui les soignent/ les soigneront, eux et leurs familles.

Nous sommes et serons peut-être encore une fois à contre temps, mais quel que soit le moment choisi, il n'a jamais été facile pour les médecins d'être  visibles et entendus. Les médias relaient une image tronquée de nous et de nos luttes.


 Pour la majorité des journalistes nous serions les nantis pourris qui se gavent avec des dépassements qui plombent le budget des ménages et qui en veulent plus toujours plus…J’aimerais voir leur réaction si leur salaire avait stagné depuis 10 ans. La seule exception à cette image de nanti est « le bon docteur » renommé qui donne un rendez-vous en urgence à leur maman…


 Patients, posez-vous la question : vous sentez vous concernés par l’avenir et l’évolution de la médecine ?
 Est-ce pour vous moins important que la météo, que les cours de la bourse, que le débat sur l’ouverture des magasins le dimanche ? 
Trouvez-vous normal qu’un médecin secteur 1  à Bac +10-11-15 vous demande  28€ quelle que soit la durée et la difficulté de sa consultation ? Regardez, pour comparer, les factures de votre réparateur électro-ménager ou informatique, de votre plombier, de votre coiffeur …


 Chers confrères non-grévistes, quelle importance accordez-vous  à  la dégradation de votre exercice, aux contraintes administratives supplémentaires qu'on vous prépare en douce (le tiers payant généralisé, les mentions obligatoires sur les ordonnances), aux insultes des ténors médiatiques et politiques ?  
Serez-vous fiers d’être bientôt  mieux rémunérés  sur vos performances administratives que sur vos actes médicaux ?  

Je me pose des questions sur les stratégies à mettre en place, à titre personnel :
-pourquoi continuer à défendre ceux qui ne comprennent pas que l’eau chauffe dans la casserole où nous sommes tous ?
-Quel intérêt de cotiser à un syndicat signataire ?
-Faut-il revoir à la baisse mes contrats de complémentaire santé ? 
-Dois-je arrêter  ou diminuer significativement la télétransmission ?
-Jusqu'à quand vais-je accepter d'essayer de faire du gastronomique au prix du mac do ?
-Dois-je passer en secteur hors convention  à quelques mois de mon départ en retraite pour enfin pouvoir exercer la médecine de qualité que m’ont enseignée mes maîtres ?

Les forces en présence sont disproportionnées ; en face ils ont le nombre : les médias, les syndicats horizontaux, les médecins "tête dans le guidon" et de l'argent, beaucoup d'argent,  car,  si nous sommes des "nantis", eux sont carrément blindés. 
C'est avec cet argent que les mutuelles nous insultent  avec leurs publicités consternantes. 
C'est avec cet argent qu'une mutuelle  porte plainte pour dénigrement  contre le SNOF pour avoir osé informer ses patients qu'ils pouvaient choisir leur opticien. 

 En d'autre temps,  des gens peu nombreux  ont su tenir tête et gagner des batailles contre des gros balèzes, mais "ça c'était avant ! " 
Je veux croire encore que nous serons nombreux à lutter, tous soignants confondus,*** et que les actions du collectif de Mars auront un écho important jusqu’à la victoire qui nous permettra de retourner faire ce que nous avons appris : soigner les gens.

* note pour le correcteur : si vous croyez que la majuscule est utile …
**qu'est ce qui est plus difficile à payer les 50 ou 80€ d'un ophtalmo S2 ou les 500 à 1000€ de vos lunettes progressives  que la sécu rembourse 40€ ? 

*** et pardon de n’avoir parlé ici que des médecins

lundi 6 janvier 2014

des hommes et des voeux




pour les membres de ma famille, pour mes amis et les autres

Il y a une semaine mes amis du défi du Samedi avaient posté la consigne suivante : présenter des voeux originaux 
Et comment fait on quand on est, comme moi, un handicapé des voeux ?
Quand au moment où je dis" bonne année" à un proche,   me viennent des images  de malheur, de solitude, de maladie, de guerres ou d'horreurs, ici ou ailleurs ?
Bien sûr, je me plie à la tradition et je sais faire bonne figure...
Suis je le seul à avoir le coeur qui se serre en prononçant ces mots convenus sous les lumières de la fête ?

D'abord pourquoi "nos meilleurs voeux" hein ?

J'ai beaucoup de pires voeux, voire de malédictions à adresser  : aux dictateurs, aux chefs de guerre,aux pourris de tous acabits, aux financiers et bien sûr aux politiques qui trahissent nos espoirs à peine installés dans les confortables bureaux où nos bulletins de vote les ont placés. Non, je ne souhaite pas leur mort, car ils seraient remplacés, je leur souhaite la déchéance  et une fin de vie longue douloureuse et misérable.
Je rêve d'un monde où les racistes de tout poil se retrouveraient dans la peau de ceux qu'ils haïssent le plus ; je voudrais voir comment  nos parlementaires devraient se débrouiller avec un SMIC ou avec le RSA pour vivre, et je serais prêt à payer pour voir leurs enfants faire la queue à pôle emploi. Il est des maladies qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi...mais en ces temps troublés, je manque singulièrement de compassion et je pourrais me réjouir du malheur de certains.

"ça c'est fait ..."

Ma Zigmund va un brin mieux, c'est pas gagné et je n'ai même pas osé présenter mes voeux à Pa et Ma.
J'ai repris le travail ce matin, j'ai presque trouvé ça reposant après ces deux semaines passées au chevet de Ma, à essayer de calmer l'angoisse de Pa, à proposer mon aide au frangin ; j'ai organisé au mieux  mes  consultations pour y retourner  aussi souvent que possible.La distance est un problème  mais aussi mon intrusion dans l'univers bien ordonné de mon papa où malgré mes efforts je sème le trouble.
Je n'ai pas la force de chercher les mots pour envoyer des voeux à ma famille et à mes amis. 
En ce début d'année, deux amis nous ont quittés   : l'un était mon voisin :  curieux de tout malgré son grand âge, il luttait contre sa DMLA pour lire encore et toujours, il s'est  éteint paisiblement dans son sommeil ; l'autre, une femme belle et pétillante, est venue me voir, sereine, à mon cabinet, juste avant son entrée en soins palliatifs : je garde le souvenir de sa main dans la mienne quand elle est venue me dire adieu.

Comment voulez vous que j'aime cette période de voeux  où je me souviens de ceux qui nous ont quittés, où je cherche sur le bureau proche de la Table les papiers super urgents que je croyais régler et ranger pendant les vacances  et qui ont disparu sous les nouveaux papiers aussi urgents?
 





Tiens, pour finir,  je vais m'offrir une anaphore :

Je voudrais remercier ceux qui, sur les réseaux sociaux relaient quotidiennement mes luttes (la baguette des nantis).
Je voudrais remercier ceux qui prennent du temps pour faire un tour ici, même silencieusement, alors que parfois je ne leur rends pas la pareille. 
Je voudrais vous remercier amis de la vie réelle, ou amis virtuels, médecins, soignants, de votre écoute parfois critique mais toujours bienveillante.
C'est pour vous que je renoue volontiers avec cette tradition des voeux pour vous souhaiter le meilleur du bon pour cette nouvelle année.
--- ---------