dimanche 25 février 2024

Un si long silence ?

 Il  y  a  9 ans  j'écrivais  ce  post  qui  m'avait  permis  de  renouer  avec  une  partie  de  mes  amis d'adolescence. 

Sara  une  très grande  dame s'en  est  allée : la  maman de  quatre  d'entre  nous   mais  en fait notre  maman à  tous.  Son  mari  David  était  sorti  d'Auschwitz  à  l'âge  de  17  ans. Il avait  abouti  à  Paris, j'ignore  comment. Né  quelque  part  en  Tchécoslovaquie,  il   était  le  seul  survivant  de  sa  famille. Il  avait  rencontré  Sara qui  s'occupait  des  rescapés, elle  lui servait  d'"écrivain  public" car  il  n'était  pas  capable  d'écrire  en  français. Parfois  il  lui  demandait  de  rédiger  un  mot  pour  l'aider  à  courtiser  les  filles  ou  à  leur  donner  rendez  vous.  Un jour  c'est  Sara  qui  s'est  débrouillée  pour  être  au  rendez  vous ! David  et  Sara  ne  se  sont  plus   quittés. Ils  tenaient  un  magasin de  vêtements en centre  ville, David  était  très  présent dans  la  petite  communauté de  la  ville,  ils  étaient  amis avec mes  parents et  avec  tous  les  membres  de  la  communauté.

 Le  numéro  tatoué  sur  son bras et une pupille  blanche suite  un  coup  au  visage par  un  gardien  du  camp étaient  les  témoins  du terrible  passé de  David.

Je regarde les  quelques  photos  de  cette  époque : nos  parents  jeunes  et  souriants lors  des  repas  communautaires,  ou  en voyage. Lors d' une rencontre  intercommunautaire, David, Pa et  deux autres  membres  de  la  communauté  allèrent  à  l'hôtel.  A cette  époque, les  hôtels  prenaient  l'identité  complète  des clients. Le  réceptionniste  s'est  longuement interrogé sur  le  lien  qui  pouvait  exister 

entre  ces  4  amis  : un  né  en  Tchécoslovaquie, un  en  Algérie,  un  Lithuanie  et  le  dernier  né  à  Paris.   

Les  enfants  de  David  et  Sara  fréquentaient  avec  mon frère  et  moi  les  EIF (éclaireurs israëlites de  France)  seul  groupe de "jeunes"  constitué  de  cette  petite  communauté.

En  dehors de  l'école, ma  participation aux  EIF  était  mon rayon de  soleil, mon espace de  liberté, j'étais  très  lié  avec  Dorice  et  Danielle  leurs  filles  ainées  qui  avaient  mon  âge.

Dans ce  groupe  d'ados,  nous  n'étions  pas  nombreux, très  différents  mais  très  soudés particulièrement  lors  des  camps. Nous  étions  à  la  fois  sérieux  :  je  me  souviens  avoir  plusieurs  fois  mené  la  prière  du  matin,  et  "fous" avec  cette  impression  de  faire  les  400  coups  : sorties  nocturnes  à  travers champs, jonglage  avec des  braises,  mini  flirts ...

Parfois  mon frère  et  moi  étions  invités  à  diner  et  à  dormir  chez  Sara  et  David.  c'est  là  que  j'ai  goûté  le  Gefilte Fisch. 

La nuit  le  joli son du carillon du  clocher  de  l'église  toute  proche  meublait le  silence  de l'appartement.

A l'âge  adulte,  la  vie  nous  a  séparés, on se  voyait  de  temps à  autre. 

Aujourd'hui  je  réalise  que  tous mes  amis  des  EIF   ou  presque  ont  fait  leur  alya et que  je  suis  resté  en arrière  pour  une  vie  différente.   Je ne  regrette  pas  vraiment  mon  choix  mais  si  j'écris  ces  lignes c'est  parce  qu'ils  me  manquent. 
Sara  et  David ont  eu  une  vie  harmonieuse  pour  eux  et  leur  quatre  enfants,  ils  reposent  aujourd'hui  ensemble  à  Jérusalem. En pensée  je  dépose deux  cailloux en leur  mémoire.  

ברוך דיין האמת

   


    


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